Vies morcelées
Dans le noir, un mineur fuligineux s’éreinte
À frapper le charbon d’un pendule d’acier ;
Le morne cliquetis au rythme régulier
Résonne tristement en mécanique plainte.
Sur le piètre sommier d’un lugubre dortoir,
La gourgandine endure une nouvelle nuit.
Ses larmes ont séché d’un aride dépit ;
Seul subsiste en son cœur l’ombre du désespoir.
Grelottant sous la neige, le bélître asthénique
Se blottit dans le coin du porche du beffroi.
À la merci du vent, il attend dans l’effroi
Que brille le soleil ou que son sang abdique.
Accoudée au comptoir, une vieille ouvrière
S’abreuve de rogomme au pouvoir d’amnésie.
Son corps usé, meurtri, rongé par la phtisie,
Ne trouve réconfort que dans le pourpre verre.
Au milieu de son champ consumé par le givre,
Le métayer s’assoit pour accueillir sa fin.
Plutôt que voir ses fils expirer de la faim,
Il attend, résigné, que le froid le délivre.
Le destin est injuste, apprenez à le craindre.
Ce qui vous semble acquis peut vous être enlevé ;
Chers lecteurs, profitez du bonheur réservé
À ceux qui sont bénis du loisir de se plaindre.