Odyssée

Cessez de résister à l’appel du voyage :
Enfilez un manteau sur vos plus beaux haillons,
Ne prenez ni cahiers, ni pain, ni picaillons,
Et osez vous enfuir de la mondaine cage.

Loin du sourd grondement de la bruyante ville
Serinant à tue-tête un tumulte strident,
Goûtez à ce silence, à ce calme apaisant,
Qui berce le tympan et l’allégresse instille.

Admirez des chemins les sylvestres colonnes
Arborant fièrement smaragdins vêtements,
Éphélides de mousse et juteux ornements,
Paisibles empereurs aux changeantes couronnes.

Traversez l’Orient aux éphémères dunes,
À l’or arénacé de mille et un carats,
Graines de siccité, terre des émirats
Aux fabuleux trésors et sublimes fortunes.

À l’horizon, de fiers lendores de granite
S’élèvent de leur strate et caressent les cieux ;
Là-haut se trouverait le domaine des dieux,
Oasis à jamais aux mortels interdite.

En quittant le vieux port aux véliques nuages,
Laissez-vous dériver au souffle du zéphyr,
Leste nocher plissant la nappe de saphir
Pour mener le navire à de lointains rivages.

Quand l’astre blanc s’éteint et que brille sa reine,
De l’onde contemplez le manteau coruscant,
Miroir de l’Empyrée antique où l’on entend,
Comme écumant la nuit, le chant d’une sirène.

Une île tropicale aux ravissantes plages
Daigne vous recueillir des quinteux océans ;
Explorez-en la jungle aux bois sempervirents
Humides et infus d’odeurs de fleurs sauvages.

Entre arbres et rochers serpente la rivière
Dont le doux sifflement charme les résidents ;
Son lit marmoréen tapi de galets blancs
Évoque d’un dragon les écailles de pierre.

Au cœur de l’archipel, un poumon ignivome
Gronde dans son sommeil d’un ronflement serein.
Sans réveiller la bête, en discret pèlerin,
Pénétrez dignement son chthonien royaume.

Les couloirs souterrains ceints d’écarlate glace,
Mènent au lieu maudit dont nul ne sort jamais.
Un nautonier proscrit aux vivants son accès ;
Comme Dante jadis, regagnez la surface.

« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage »
Écrivait un grand chantre en mirant l’horizon.
L’aventure est pour l’homme un temps de floraison ;
De l’esprit du nomade éclot celui du sage.