Une Amitié sans bornes

Voyez cet agneau vierge, épris d’une brebis,
Qui lui court tout autour, maladroit et timide,
Espérant la charmer par des gestes fleuris
Et se heurtant au mur d’une attention vide.

Toujours à ses côtés, désireux de servir,
Il supporte sans bruit ses incessants caprices ;
Madame veut de l’herbe ? Il part la lui quérir,
Cherchant un vert gazon digne des Alpes suisses.

Hélas ! la chère et tendre ignore sa bonté,
Préférant courtiser les boucs aux belles cornes.
La cruelle, parfois, d’un sourire éhonté,
Lui souffle : « Je vous voue une amitié sans bornes. »

À ces mots, son cœur saigne ; ô malédiction !
Que n’eût-elle daigné lui donner une chance ?
Que ne pût-il céans perdre l’audition ?
Plutôt mourir qu’entendre une autre confidence !

Noyé dans son malheur, un sursaut de raison
Le délivre et l’amène à changer de rivage ;
Chers amis, si l’amour devient votre prison,
Sachez vous libérer ; sachez tourner la page.