Les Feux de la gloire
Maudit sois-tu, talent, d’ainsi m’emprisonner !
Il a suffi qu’un jour je m’essaie à la flûte
Pour que tous mes voisins viennent chez moi sonner,
Prendre mon autographe et taper la discute !
En classe, il m’arrivait de passer au tableau ;
J’écrivais ma réponse avec désinvolture
Mais toujours notre maître, en le rinçant à l’eau,
Prenait soin d’éviter ma plaisante écriture !
Jadis, j’aimais cycler sur les axes routiers,
M’abandonnant aux vents, rêvant qu’ils me ravissent.
J’ai pourtant dû migrer vers les ruraux sentiers
Car, depuis quelque temps, les radars m’éblouissent !
Tout art, tout métier – tout ! – m’est acquis sans effort ;
Je n’ai jamais connu la flamme de la transe !
Qu’ai-je donc fait au ciel pour mériter ce sort,
Cette vie insipide au teint d’indifférence ?
Si l’erreur est humaine, où puis-je la trouver ?
Je l’ai longtemps cherchée, ineffable chimère
Qu’il semblerait qu’on m’eût interdit d’observer
Depuis que j’émergeai du ventre de ma mère.
Il me faut me résoudre à l’âpre vérité :
Mon destin est tracé sur les feux de la gloire.
Cette perfection dont seul je fus doté
Jettera pour toujours sur moi son ombre noire.