Le Voile de la nuit

Le feu de bois crépite, avide d’une histoire
Que les joyeux campeurs réclament bruyamment
Assis en cercle autour du conteur de la foire
Qui brandit souriant son fidèle instrument.

Quand, au milieu des cris, résonne un bel arpège,
Un silence d’église envahit le sous-bois ;
Tous regardent le barde à la chemise beige
Et se laissent bercer au doux son de sa voix.

Les charmes envoûtants de lointaines contrées
Aux paysages d’or, de perle et de saphir,
Se dévoilent le mieux lors des chaudes soirées
Où l’on rêve à plusieurs d’un voyage à venir.

S’envolant de son nid, une jeune princesse
Abandonne la cage où la cour l’enfermait ;
Du mont qui lui sourit avec délicatesse
Elle s’était juré de gravir le sommet.

Dans le pays voisin dévasté par la guerre
Vagabonde un soldat fraîchement orphelin ;
En l’espace d’un jour, sa section entière
Fut appelée au ciel par un glas cristallin.

Les tresses du destin voulurent de leurs vies
Mêler les minces fils en un nœud éternel.
Guidés par l’invisible ombre de leurs envies,
Les deux suivront du sort l’irrésistible appel.

Dansant et tournoyant au rythme de la lyre,
Le ménestrel conquiert ses nombreux auditeurs
Dont les corps endormis se sont laissé séduire
Par les beaux univers de leurs esprits rêveurs.

Le récit se conclut par une fin heureuse
Recouvrant les songeurs du voile de la nuit.
Seule reste éveillée, aimante, gracieuse,
La Lune qui, toujours, dans le silence luit.