Le Requiem des morts
Que dissimule donc l’indifférent sourire
Collé sur ton visage à toute heure du jour ?
J’aimerais l’arracher, le brûler de ton ire,
L’incinérer du feu d’un malévole four.
Tu ne peux me tromper ; je connais ta nature,
Hypocrite poupée aux airs d’ange innocent.
Il me tarde de voir sous les traits de couture
L’abomination qu’est ton corps putrescent.
De quels vils animaux serais-tu la chimère ?
Même un rat entendrait cette offre refuser.
Amalgame de vers, d’ordure et de poussière,
Comment t’animes-tu sans te décomposer ?
Chacun de tes attraits se veut un traître leurre
Attirant quelque insecte en ta gorge sans fond ;
La proie ignore tout du danger qui l’effleure
Et, froide, reparaît suspendue au plafond.
Tes mots coulant toujours en répugnante averse
Assombrissent mon ciel d’un opaque brouillard.
Le plus beau des discours, par ta langue perverse,
Narguerait le poison du plus venimeux dard.
Quand le dernier rayon disparaît en silence,
L’horrible cauchemar atteint son zénith noir.
Émanent de ta chair terreur, haine et souffrance,
Émissaires maudits d’un lugubre abattoir.
Inconscients du mal qui vient faucher leur âme,
Les malheureux rêveurs se laissent attirer
Comme des moucherons par ce cortège infâme ;
Sans même s’en douter, ils viennent d’expirer.
La nuit se gorge ainsi d’un amas de cadavres
En estomac repeint d’écarlate aveuglant.
Les rares rescapés, abrités dans leurs havres,
Frissonnent sous l’impur éclat de l’œil sanglant.
Mais ta morbide soif nous est bien opportune !
Oui, démon, entends-tu le requiem des morts ?
Par ce brasier maudit imprégné de rancune,
Retourne d’où tu viens et jamais n’en ressors.