Premier chapitre

J’entends dire souvent qu’un brillant avenir
M’attend sur les sentiers royaux de la science.
Même mes professeurs, dès ma plus tendre enfance,
Me plaçaient au sommet, prêt à tout réussir.

Docile, je suivis ce chemin tout tracé,
Sans trop y réfléchir, sans trop prendre de risques.
J’apercevais au loin d’imposants obélisques :
Les exploits des anciens dont on m’avait bercé.

L’ambition nourrit les rêves les plus grands ;
J’entrepris cette quête aux terribles épreuves,
Me consacrant entier aux activités veuves
Du péché qui corrompt l’âme des conquérants.

Au diable les loisirs suants d’oisiveté,
Fi des distractions qui sans cesse m’enchaînent !
J’invoque les pouvoirs qui de droit m’appartiennent :
Venez à moi, courage, ardeur et volonté !

Autrefois serviteur de mes plus bas instincts,
Je m’élevai, porté par ces fragiles ailes,
Quittant mon doux cocon pour des strates nouvelles
Où s’entrouvrent les fleurs de fabuleux destins.

D’exténuantes nuits m’attendaient au tournant,
Dévorant mon sommeil en hyènes prédatrices.
J’endurais sans fléchir leurs barbares supplices ;
Toujours je combattais leur spectre permanent.

Dans ce puits de labeur jusqu’aux yeux embourbé,
Je gardais mon regard vers la chaude lumière
Qui filtrait en rosée envoûtante et légère
Du ciel où j’augurais un archange nimbé.

Un ultime défi je me vis relever,
Insurmontable monstre au dantesque visage.
Exalté par le feu de ma fiévreuse rage,
Je brûlais de me voir ce périple achever.

J’avançai droit devant, malgré toutes mes peurs,
Mes hésitations, mes regrets et mes doutes ;
Je noyai ces fardeaux dans ces féroces joutes
Dont seul échoit au ciel de nommer les vainqueurs.

Baignant dans la lueur de l’ambre vespéral,
Je contemplai, du haut de ma rouge colline,
La beauté de ce monde à la splendeur divine
Avant de m’attaquer à l’obstacle final.

Je me jetai d’un bloc dans le cœur du typhon,
Résolu d’y périr dans un effort suprême
Ou d’en sortir béni d’un glorieux baptême,
Tel un noble héros chevauchant un griffon.

Quand l’éternelle nuit d’un aller sans retour
Voulut m’emprisonner dans son profond abysse,
Descendit en torrent la vigueur salvatrice
De l’aurore épanchant son lumineux amour.

Un triomphe éclatant vint me récompenser ;
Je pensais y trouver la fin de cette fable
Mais l’appétit d’un homme est bien insatiable ;
Le chapitre suivant ne fait que commencer.