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Soudain, je me réveillai et je te vis.

Malgré mes pensées encore embrumées, je compris que tu voulais t’asseoir à ma gauche, côté fenêtre. Je me levai précipitamment pour te laisser passer. En me rasseyant, je me fis la réflexion que le train ne s’était pas arrêté depuis quelque temps ; aussi te demandai-je si j’avais raté un arrêt. De ce que je compris, tu n’avais pas osé me déranger quand tu étais montée et tu t’étais installée sur un siège voisin pour passer un appel.

Je trouvai ta voix douce et plaisante, puis tu sortis de mon esprit presque aussitôt.

Je me remis à osciller entre conscience et sommeil, mon corps ballotté par les tremblements du train. Après que la contrôleuse passa, je me demandai quand nous arriverions ; pour ne pas consulter mon téléphone, je te posai la question. Comme j’étais encore somnolent, ma bouche produisit un charabia inaudible ; tu me prias alors de me répéter, et ta main droite vint effleurer mon avant-bras avec une délicatesse infinie.

Ce geste innocent m’engouffra dans un vortex de flammes.

Je me souviens vaguement de m’être répété, d’avoir entendu ta réponse sans l’écouter et d’avoir sorti ma liseuse pour me distraire.

Rien n’y fit ; tu étais partout.

Où que je voulusse diriger mes pensées, je ne voyais, je n’entendais, je ne sentais plus que toi. Toi qui n’avais jamais été qu’une parfaite inconnue jusqu’alors, tu étais devenue mon monde entier. Quel sort m’avais-tu jeté ?

Je ne pensais plus qu’à prendre ta main dans la mienne ; à te caresser le bras du dos de mes doigts ; à me plonger tout entier dans ton regard…

Une demi-heure s’écoula ainsi, où je me perdis dans ces songes d’un autre univers où nous nous serions liés à jamais.

Je finis par te demander si tu lisais du Marguerite Yourcenar, car j’avais reconnu le titre de ton livre : Les Mémoires d’Hadrien.

Cette flamme qui m’avait consumé sans crier gare fut aussi ardente qu’éphémère ; elle s’étiola au gré de notre conversation—qui fut néanmoins exquise et passionnante—et me laissa pour seul souvenir ces quelques braises, que je couche sur le papier le sourire aux lèvres.

Merci à toi, ma muse d’un instant, pour cette rencontre merveilleuse.