Lorraine de Sagazan - Un sacre

Titre : Un sacre
Texte : Guillaume Poix, Lorraine de Sagazan
Mise en scène : Lorraine de Sagazan
Théâtre : Théâtre Gérard Philipe
Note : 10/10

Un sacre m’a laissé profondément perturbé. Il s’agit d’une fresque d’histoires indépendantes, toutes inspirées de témoignages récoltés pendant la crise de la pandémie de coronavirus. La mise en scène est particulièrement travaillée, prenant la forme d’une longue cérémonie dont la chorégraphie puise probablement ses sources dans différents rites religieux. Certaines histoires m’ont touché, notamment celle de la noyade et celle de la mort d’un père, et le décor sublime par instants l’impact émotionnel de la pièce. Cette discussion sur la mort mêle humour et gravité avec fluidité et, en y repensant alors que j’écris ce billet, je lui trouve moult autres qualités.

Pourtant, quand s’est achevé le spectacle, je n’ai pas su applaudir.

Je suis resté assis au milieu d’un public qui s’est, presque à l’unanimité, levé pour encenser les comédiens, et je ne sais pas pourquoi car, objectivement, l’expérience était incroyable. Ma propre réaction m’a tant intrigué que, en sortant du théâtre, je me suis demandé quelques minutes si je n’avais pas un problème. Je pense maintenant que j’ai simplement été exposé à trop d’émotions contradictoires en même temps et mon cerveau, incapable de trouver une réaction appropriée, a choisi de s’éteindre. Un sacre aura ainsi réussi à me toucher en plein cœur.

2024/02/14 — Après de nombreuses réflexions, je suis arrivé à la conclusion suivante : quand une expérience théâtrale parle de sujets dont le caractère profondément humain me saisit et me bouleverse, je ressens l’impression forte et irrépressible qu’applaudir reviendrait à « rabaisser » cette expérience au rang de divertissement. Je pense que c’est pour cela que je n’ai pas su applaudir : ce que je venais de voir était trop important, trop grave, trop vrai. Et, au fond, c’est cela que je cherche au théâtre. La prochaine fois, j’applaudirai, car je sais maintenant pourquoi je n’en avais pas été capable.