Antonin Baudry - Le Chant du Loup

Quelle claque.

Le Chant du Loup, premier film réalisé par Antonin Baudry, suit l’histoire de Chanteraide, « oreille d’or » de la Marine Nationale, cette appellation désignant un officier marinier spécialiste des sonars et de la guerre acoustique.

Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, mais l’introduction in medias res m’a catapulté dans le sous-marin avec son équipage et m’a donné une très bonne première impression. Après la réussite in extremis de cette captivante mission de récupération de commando au large des côtes syriennes, j’ai eu des doutes quant à la pertinence de l’escapade amoureuse entre Chanteraide et Prairie, une libraire. Heureusement, ils se sont finalement dissipés quand le commandant Grandchamp refusera à Chanteraide l’accès à bord du sous-marin nucléaire fictif L’Effroyable à cause des traces de cannabis retrouvées dans ses urines : d’après les images, tout porte à croire que Chanteraide n’a été que fumeur passif et que c’est Prairie qui était responsable de son diagnostic.

Le film ne révèle son génie que dans la deuxième moitié, quand l’alerte de missile nucléaire est lancée. Un missile provenant du détroit de Béring à l’est de la Russie est en effet en route pour l’Europe, et l’armée française finit par déterminer que sa destination est la France. Compte tenu du contexte géopolitique, l’état-major interprète cette frappe comme une offensive russe et le président donne l’ordre de riposte. L’Effroyable, qui était parti en mission de dissuasion, est sommé d’exécuter la contre-attaque. Cependant, alors que l’interception du missile nucléaire russe échoue, Chanteraide identifie une anomalie dans la signature sonore de son lancer enregistrée par un sous-marin français à proximité : il attribue cette anomalie à une absence de charge nucléaire. L’amiral de la Marine, ou ALFOST, l’amène alors dans son bureau pour prévenir le président et son chef de l’état-major particulier, lesquels leur révèlent des informations de dernière minute : le sous-marin auteur des tirs est en fait tombé sous le contrôle de terroristes djihadistes ; il s’agit d’un guet-apens destiné à déclencher une guerre nucléaire. Le président ordonne alors à l’ALFOST d’annuler le tir, bien que l’ordre de tir soit normalement irrévocable. En outre, L’Effroyable a déjà enclenché la procédure et est devenu indétectable. Leur dernier espoir est d’embarquer le Titane, le sous-marin qui était chargé d’escorter L’Effroyable jusqu’à sa dernière position connue, afin de l’empêcher d’effectuer son tir par tous les moyens possibles.

À ce moment-là du film, la tension est palpable. Je ne dévoilerai pas la fin et vous conseille chaudement de la voir de vos propres yeux. La suite est en fait comparable aux tragédies classiques : les choix cornéliens auxquels sont confrontés l’ALFOST et le commandant Grandchamp m’ont moi-même mis dans des états de crispation inattendus ! L’ALFOST doit envisager le sacrifice de ses propres hommes à bord de L’Effroyable, tandis que Grandchamp doit choisir entre respecter la procédure de tir nucléaire (avec possible destruction de son bâtiment) ou accepter d’entrer en contact avec le Titane (et potentiellement trahir la France) : je prie pour ne jamais me retrouver dans une situation similaire.

Le geste d’altruisme de l’ALFOST à la toute fin du film m’a fait chaud au cœur. À mon sens, c’est à ça qu’on reconnaît un vrai chef : ses hommes avant tout, et surtout avant lui-même.

Certains feraient bien de s’en inspirer.