Un reste de chaleur
Je te rencontrai à la plage, sur un terrain de beach-volley.
Nous étions tous inscrits à un événement qui se déroulait pendant la semaine. Tu arrivas avec d’autres participants et nous nous retrouvâmes dans la même équipe.
Je n’avais pas mes lunettes, aussi ne te prêtai-je pas d’attention particulière.
Après quelques points, nous changeâmes les équipes et je passai du côté opposé. Le match se poursuivit jusqu’à ce que nous nous retrouvions tous les deux passeurs, de part et d’autre du filet.
Tu étais alors assez proche pour que je voie clairement ton visage pour la première fois ; je fus charmé. Sans parler de coup de foudre, j’espérais pouvoir faire ta connaissance pendant une pause.
Pourtant, même à la fin du match, quand tu allas t’assoir avec le reste du groupe, je continuai à jouer avec les autres. Un peu par désir, beaucoup par timidité.
Finalement, le soleil se coucha, emportant avec lui l’occasion de te parler ; tu étais repartie.
Je te revis deux jours plus tard sur le lieu de l’événement.
Nous nous croisâmes, et je te reconnus aussitôt. Peut-être que toi aussi.
J’eûs voulu te faire un signe, un sourire.
Mais je t’ignorai.
Je ne sais pas pourquoi je m’affecte d’indifférence lorsque j’éprouve de l’attirance pour une personne. Cela va à l’encontre de tous mes principes, de cet idéal de franchise que je m’efforce de maintenir avec ceux que je connais. Un manque de confiance ou d’expérience, j’imagine, voire un mélange des deux.
Le jour suivant, nous nous revîmes sur la plage, avec la plupart des participants, pour conclure la semaine. Nous jouâmes ensemble à nouveau ; je garde un agréable souvenir de cette soirée.
Et de toi, surtout.
Quand tu riais et que nos regards se croisaient, il me semblait déceler dans tes yeux une complicité qui m’enivrait.
Je me serais volontiers saoulé du vin de ta compagnie ; hélas, la nuit fut interrompue par une intervention extérieure, nous privant ainsi d’une cérémonie de fin digne de ce nom.
Heureusement, je savais qu’il était possible que nous nous revoyions une dernière fois le lendemain.
Malheureusement, ce même lendemain, pour nos dernières parties de beach-volley, tu n’es pas venue.
Lorsque le crépuscule siffla le point final, juste avant de partir dîner, je t’envoyai un message pour savoir si tu avais prévu quelque chose.
Je m’étais résolu à ne pas te revoir.
Enfin, je le croyais, mais l’excitation qui se saisit de moi en voyant ta réponse au milieu du repas m’en fait douter.
J’osai t’avouer que rien ne m’eût fait plus plaisir que de te revoir avant de repartir. L’enthousiasme de tes réponses me donna l’impression que le sentiment était réciproque.
Je te proposai que l’on se retrouve tous les deux, en tête-à-tête, pour clore cette semaine.
Nous nous assîmes à une terrasse pour prendre un verre et discuter.
J’eûs voulu que le temps se fige, que le son de ta voix me berce pour un fragment d’éternité.
Quand tu me parlais de ce que tu faisais, la passion qui t’animait me fascinait. Chacun de tes mots m’appelait à l’aventure.
Les rares silences qui se glissaient dans notre conversation m’électrisaient ; j’eûs voulu te prendre la main, te toucher la joue, glisser mes doigts dans tes cheveux.
Je ne l’osai.
Lorsque vint l’addition, tu rappelas le serveur dans ta langue avant que je ne puisse régler ma part ; ton refus souriant mais catégorique de partager la note me subjugua.
Nous marchâmes le long de la plage vers ton hôtel, éclaboussés d’une bruine légère dont je ne savais si elle provenait du ciel ou de la mer.
Tu avais froid ; je te proposai ma veste ; tu la refusas.
De toute évidence, j’eûs simplement dû la poser sur tes épaules en silence, mais il était trop tard.
Lorsque nous arrivâmes devant ton hôtel, tu me pris dans tes bras pour me dire au revoir.
Encore une fois, tu m’avais pris de court.
Je dus enfin repartir, encore faiblement enveloppé de ta chaleur.
Pourtant, sur le chemin, je commençai à regretter que la nuit s’arrête là.
Devais-je faire demi-tour ? Mais tu m’avais dit que tu étais éreintée et allais te coucher. Que faire ?
J’invoquai le peu de volonté qu’il me restait et te renvoyai un message pour t’inviter à partager ma chambre pour la nuit.
Pendant un temps, je restai seul, adossé à un muret, le long d’une route déserte, le regard levé au ciel, à regarder les étoiles en attendant ta réponse.
Elle vint le lendemain matin, lorsque j’arrivai à l’aéroport.
Tu me remercias de l’invitation et m’informas que tu avais déjà quelqu’un qui t’attendait, et qui t’était très cher.
Tu me demandas pardon de ne pas m’avoir répondu plus tôt, ce qui me donna les larmes aux yeux. Non de tristesse, mais plutôt de gratitude.
Les mots exacts que tu employas étaient si emplis d’amour envers lui, et, pourtant, si chaleureux envers moi, que je ne pus que m’avouer vaincu, sans jalousie ni amertume.
Je souhaite de tout mon cœur qu’il te rende aussi heureuse que tu le mérites.
Merci pour cette exquise soirée dont le souvenir est à jamais ancré dans ma mémoire.
J’espère avoir le plaisir de te revoir un jour.