Poème du jour
[2020/07/30] En juin 2020, j’ai entrepris, avec mes deux amis Antoine et Gaëtan, d’écrire un poème par jour pendant un mois. En pratique nous nous limitions à un quatrain, mais parfois nous écrivions plus. Depuis, je me suis dit que ce serait intéressant de continuer pour aussi longtemps que possible. Afin de ne pas inonder mon fil d’actualité d’articles très courts, je mettrai cette page à jour au fur et à mesure. Bien entendu, lorsque les quatrains seront assemblés en un poème, ce dernier aura droit à son article dédié.
[2020/11/15] Jusqu’à maintenant je dois avouer avoir mis à jour cette page de manière assez irrégulière mais je vais essayer de le faire au moins tous les deux-trois jours désormais. Advienne que pourra !
[2020/11/26] J’ai créé une page Facebook à laquelle vous pouvez vous abonner si vous le souhaitez.
[2021/02/01] Vous pouvez désormais me lire sur Instagram et Twitter également.
2020/06/11
Nous entamons céans une belle aventure ;
Nous sommes las de la procrastination ;
Nous aspirons à l’art et à l’invention ;
Venez donc célébrer notre gloire future.
2020/06/12
Je suis homme de ville en quête de campagne ;
Fraîchement débarqué à la gare, voici
Qu’un train surgit au quai : j’y bondis sans souci.
Adieu mon beau Paris : je pars pour la Bretagne !
C’est un plan simple et pourtant si dévastateur :
Ce soir j’irai secrètement prendre une fleur
Dans le jardin magnifique et luxuriant
Du grand babouin qui le cultive en souriant.
2020/06/13
Ho ! hisse, matelots ! Larguez donc les amarres !
L’île aux moines au loin nous invite en son cœur.
Humez cet air marin qui règne en empereur
Sur ces mers acharnées aux vents aléatoires !
2020/06/14
La question me taraude et me prive de nuits.
La bougie m’accompagne en ma quête nocturne ;
Je me blottis dans son réconfort taciturne
Qui me fait oublier mes douloureux ennuis.
2020/06/15
Ce jeu me rend fou à lier :
Mon équipe est incompétente !
Je leur laisse mon tablier,
Sinon je presse la détente !
Les objectifs ? Au grand jamais !
Allons nous suicider ensemble !
Je n’en peux plus de ces dadais ;
Mon sang bout et mon cerveau tremble !
J’ai déjà cassé ma souris,
Victime de notre défaite.
Ce jeu rend les anges aigris ;
Et les démons y font la fête !
2020/06/17
L’échec me nargue en ces lieux
Tel le rocher de Sisyphe.
Je lève les yeux aux cieux :
Que ne suis-je pas calife ?
Je rêve de liberté
D’un envol vers les nuages.
Où je pourrais, transporté,
Vivre d’épiques voyages.
Hélas ! je gis ici-bas,
À la merci de mon maître,
Souverain de mes combats
Contre le sommeil, ce traître !
Sans cesse ces sessions
De travaux impitoyables,
De labeur sans passions,
De corvées insupportables !
Sous le soleil, ma peau bout
Et s’infectent mes verrues !
J’expire, je suis à bout !
Adieu, chers champs et charrues !
2020/06/18
La mousse recouvre les souches
Qui jonchent la vierge forêt.
Derrière un grand cèdre, un furet
Pourchasse des lièvres farouches.
Les fleurs aux couleurs éclatantes
M’enivrent de leurs doux parfums :
Autour de moi, des séraphins
Volent de leurs ailes seyantes.
Une grotte inconnue m’attire ;
Quels trésors peut-elle cacher ?
Je pénètre le cœur léger
Dans le domaine du satyre.
2020/06/19
L’obscurité m’enveloppe ;
J’avance d’un pas prudent
Quand m’assomme un cri strident
D’une bête nyctalope.
L’animal me dévisage ;
Serai-je donc son dîner ?
Ciel ! Si je dois opiner,
C’est un bien mauvais présage !
Je brandis ma clarinette ;
Voici un air chantonnant !
L’artifice fonctionnant,
J’entame une autre musette.
2020/06/20
L’hôte de la caverne apprécie ma musique ;
J’en joue ad libitum, reculant doucement.
La lumière du jour ! Quel destin fort clément :
Je vivrai donc encor, sauvé par le classique.
2020/06/21
J’émerge indemne de la profonde caverne ;
Le prédateur obscur daigne me laisser fuir.
Dans l’ombre, la lueur de ses yeux couleur cuir
Me fixent tel un gueux que son seigneur gouverne.
2020/06/22
Je prends ainsi congé du ténébreux refuge ;
Et m’écroule sur l’herbe, confus mais bien vivant.
Ami, si un jour tu te retrouves devant
La Mort, un instrument est un bon subterfuge.
2020/06/23
L’ornière des charrues me guide au grand fenil ;
Niché sous la toiture, un élégant volucre
Becquette un gastrolithe ainsi qu’un bloc de sucre
Dont quelques grains épars tombent sur le bas mil.
L’oiseau nubile songe à prendre son envol
Pour trouver son amour, son ultime romance !
Le rêve est grandiose, l’ambition intense,
Si bien que, de ses pairs, c’est lui, le branquignol !
2020/06/24
Sa routine acescente enflamme ses désirs ;
Il quitte l’ennuyeux foyer de ses semblables
Qui se contentent de ces loisirs détestables
Que sont les gazouillis et les vilains plaisirs.
La forêt chante en choeur, agitée par le vent ;
En son centre siège un grand hêtre laconique.
Un fruit purpurin semble un décent pique-nique ;
L’oiseau cueille une faine en un piqué fervent.
2020/06/25
Froid.
Je grimpe
Vers mon toit,
Mon Mont Olympe.
De mes deux piolets,
J’attaque la falaise.
Mes doigts meurtris et violets
Me portent malgré le malaise
Que m’inspirent ces bruyants éclairs.
Je ne puis renoncer à cette épreuve ;
Mon esprit acéré, mes réflexes clairs
Me suivent malgré cette expérience neuve.
2020/06/26
Le vent entrave cette entrée en terre des dieux ;
La neige fouette mon corps d’une ire ardente.
Je garde les yeux rivés sur les cieux ;
La douleur m’enflamme et m’alimente.
Je brûle et conquiers le dernier
Mur de mon céleste envol.
Je suis donc le premier
À fouler ce sol !
Là-haut, telle une
Blanche bille,
La Lune
Brille.
2020/06/27
L’encas était piégé : un matois farfadet
L’avait ensorcelé par cruelle infamie.
Notre ingénu souffrit d’une cacostomie
Déclenchée par l’ignoble et méphitique effet.
L’insupportable odeur lui fit perdre raison ;
Il percuta soudain un planeur vélivole ;
Sa chute guidée par les caprices d’Éole
Le fit atterrir sur une vieille maison.
2020/06/30
Je pense, nostalgique, à mes années d’école
Diligemment passées à jouer aux ballons
Et aux jeux vidéos : loin de ces combats longs
Contre le lourd fardeau de mon stress qui décolle.
Ce passé ressassé sans cesse, monotone,
À de divins loisirs lestement consacré
M’invite languissant à mon balcon sacré
Bercé du doux son des violons de l’automne.
Je marche seul et las en traînant la semelle,
Le front caressé par de larges jets pluvieux,
Les yeux perdus, cherchant des repères plus vieux,
Disparus de ce que la mort au temps se mêle.
Un vieil homme engourdi et déconcentré passe,
Sa démarche m’évoque un fiévreux prévenu
Qui, gracié, fût dans ce sombre pré venu
Attendre tristement que son esprit trépasse.
2020/07/03
Le quatrain est une œuvre lassante.
Je vous propose une autre option
Qui vous fera une peur glaçante.
Horreur ! La rime est ici absente !
Ouf, voici la résolution !
2020/07/04
L’habitude est un art difficile à dompter.
Elle ne vient que si vous arrosez sa terre
D’une telle ardeur que vous ne sauriez compter
Les mois que vous avez consacrés à la plaire.
2020/07/05
C’est bientôt la fin de leur règne ;
Nous leur montrerons leur erreur ;
Justice nous appliquerons.
Cette élite qui nous dédaigne,
Réfugiée dans sa pudeur,
À nos pieds mourra sans pardons.
2020/07/06
Notre fierté qui pleure et saigne
Dans ce ciel empli de noirceur
Chante en nos cœurs à l’unisson.
2020/07/08
C’est dans un jardin fascinant
Que vit la belle impératrice
Elle parade en chantonnant
Une prière protectrice.
Les fleurs sont son havre de paix,
Loin des violentes batailles,
De ce brouillard de sang épais,
Des corps, des morts, et des entrailles.
Hélas ! la cloche du beffroi
Sonne, et soupire la régente.
Il y a bien longtemps que l’effroi
A quitté son âme vaillante.
Le masque de sérénité
Tombe, et se rallume la flamme,
Marque de la divinité
Qui enchante sa blanche lame.
Ce pouvoir mystique et sacré
Invoque une aura angélique
Dont l’éclat brillant et nacré
Tous ses ennemis éradique.
2020/07/09
Ainsi l’héroïne repart
À l’autre bout du territoire,
Jusqu’à cet ultime rempart,
Guider les siens à la victoire.
2020/07/10
La forêt m’accueillit en son cœur ;
Sous les toits feuillus qui se mouvaient,
Je marchais, perdu dans ma douleur ;
Dans le ciel, les étoiles brillaient.
2020/07/11
Je pleurais la mort de mes confrères
Écrasé par le poids du regret
D’avoir fui cette sanglante guerre
Mais toujours les étoiles brillaient.
Ma moitié, à qui je ne pus dire
Ni adieu ni combien je l’aimais,
N’était plus guère qu’un souvenir ;
Mais toujours les étoiles brillaient.
2020/07/13
Pas un son ne perçait ce silence
Que la nuit doucement imposait,
Pansant mon indicible souffrance
Tandis que les étoiles brillaient.
2020/07/15
Ma rancune envers leur basse engeance
Éventa mes démons qui brûlaient.
Je fis vœu de funeste vengeance
Tandis que les étoiles brillaient.
2020/07/16
Au diable l’angoisse et la peur
Qui ne cessent de me hanter.
Le défi est à ma hauteur :
Il ne tient qu’à moi d’accepter.
2020/07/17
Je me suis réveillé hier avant six heures ;
Le choc fut bien plus doux que je l’eusse pensé.
Le soleil m’arrosait de sa douce chaleur ;
Ses rayons paraissaient sur mes vitres danser.
2020/07/19
Mes habits préparés m’attendaient sur ma chaise ;
J’y bondis avec joie, empressé de sortir.
La salle est à deux pas et, pour que le corps plaise,
Il faut s’y rendre un jour sur deux avec sourire.
2020/07/20
L’épée perça son armure ;
Il tomba, perdant son casque.
Son ennemi lui murmure
Qu’il va retirer son masque.
2020/07/21
Le héros gisant à terre
Lève les yeux et, sonné,
Crie à la vue de sa chair,
À qui vie il a donné.
2020/07/22
La poésie est aux esthètes réservée :
Elle demande ardeur et talent pour le vers.
L’incapable sera pressé de s’énerver,
Condamné à essuyer de cuisants revers.
2020/07/23
La Lune est mon idéal ;
Toutes mes nuits je la mire
Et parfois voue un soupir
À sa beauté sans égal.
2020/07/24
Les Européens imaginent
Que cuire du riz est ardu,
Mais c’est la base de cuisine
De toute l’Asie, c’est connu !
2020/07/25
Le piano est un instrument
Au son si noble et agréable
Que j’en joue inlassablement
Charmé d’un sort impénétrable.
2020/07/26
Autrefois les seigneurs gouvernaient leurs comtés
Tels des dieux tout-puissants, hautains et insensibles,
Jusqu’à ce qu’un héros parvienne à les dompter,
Brisant ainsi l’injuste joug des rois terribles.
2020/07/27
Un paysan robuste entraîna ses semblables
Dans sa quête de droit, de justice et de bien.
Il recruta les gueux, les sortit des étables,
Partageant son désir de vivre mieux qu’un chien.
2020/07/28
Son discours séduisit des milliers d’indigents
Qui le suivirent dans cette grande épopée.
Les nobles observaient le mal se propageant
Sur la terre bientôt de rage enveloppée.
2020/07/29
Les serfs tous rassemblés firent leurs doléances ;
Les nobles, isolés, n’eurent guère de choix.
Ils cédèrent adonc, promettant délivrance ;
Le peuple ainsi jouit du droit qui lui échoit.
2020/07/30
La biologie, cette fascinante science
Qui s’attaque à percer le secret de la vie,
Exige du chercheur acribie, patience,
Et infinie rigueur dans toute expérience,
S’il espère étancher sa soif inassouvie.
2020/07/31
Un distrait érudit, hélas ! succombe au piège
Certes insidieux du tube mal dosé.
Le savant ingénu, recourbé dans son siège,
Contemple déprimé le sol jonché de liège
En buvant malgré lui son verre de rosé.
2020/08/01
Le frisson du défi et du combat serré,
Cette morbide soif de sang insatiable
Que la hache de guerre invoque, déterrée,
Me procure un plaisir intense et ineffable.
2020/08/02
Ces doux cris de terreur à la vue de la mort,
Ce visage où l’horreur, le regret, la souffrance,
Dessinent un rictus qui s’agite et se tord,
Sont des maux chthoniens ma seule délivrance.
2020/08/05
J’abats mes ennemis d’un coup de cimeterre
Projetant sur le sol des flaques de leur vin.
L’écarlate parfum qui engorge les airs
M’enivre et me fait jouir d’un orgasme divin.
2020/08/06
J’exulte et je jubile en ce champ de bataille
Jonché de part en part de membres orphelins ;
Sans réserve j’occis, je transperce et j’entaille
Ces mignonnes souris dont je suis le félin.
2020/08/07
Hélas ! le jeu prend fin, car je demeure seul
Dans la mer de rubis qui semble s’étaler
Jusques à l’horizon, en funeste linceul
Que la Mort eût jeté sur l’entière vallée.
2020/08/08
Réveillée par le puissant chant de son mari,
Elle s’en va picorer dans les champs paisibles.
Les grains de blé dont elle s’est toujours nourrie
Pavent le sol d’un jaune brillant et visible.
2020/08/09
La céréale d’or, pilier de l’Occident,
Sustente un pan entier de la terrestre sphère ;
Véritable trésor d’un monde décadent
Dont les vastes excès feraient pâlir l’enfer.
2020/08/10
Un grand œuvre mérite un soin imprescriptible
Aussi bien dans les plans que la finition.
L’artisan doit vouer sa pleine attention
À son enfant de grès né d’un rêve intangible.
2020/08/11
Las des sentiers battus d’ennuyeuses répliques,
Les tourments du sculpteur guident sa douce main ;
Une magie opère et, blanc tel le jasmin,
Du marbre brut surgit un visage angélique.
2020/08/12
La nymphe éclot sans bruit de son socle de pierre ;
Ses yeux brillants et ses ensorcelantes lèvres
Charment l’observateur, qui, d’amoureuse fièvre,
Se perd dans un mensonge et ferme ses paupières.
2020/08/13
L’auteur même succombe au coup de foudre infâme ;
Son fragile cœur saigne, espérant malgré lui
Le miracle qui pût en la roche sans vie
Insuffler un esprit, faisant naître une femme.
2020/08/14
Nous fêtons aujourd’hui un bel anniversaire
De qui donc ? D’une grâce aux yeux étincelants,
Au charme inégalable, au maintien rayonnant ;
C’est ma tante qui brille en reine de lumière !
Son talent sur les skis demeure légendaire ;
Elle frôle la neige et file avec le vent ;
Piste noire ou de danse, elle répond présent ;
Admirez son aisance en tant que cavalière.
Son esprit chaleureux nappé de joie de vivre
Est digne des plus grands, ceux dont on fait des livres.
Je n’exagère en rien, c’est l’humble vérité.
Offrons à son grand cœur le soleil qu’il réclame ;
Je vous demande à tous, pour cette exquise femme
Un tonnerre d’applaudissements mérité !
2020/08/16
Les ténèbres régnaient en maître sur le vide.
Un écho glacial, abyssal et aride
Résonnait d’un silence au timbre assourdissant.
Au cœur de cette nuit à l’horizon du temps
Naquit spontanément une âme incorporelle.
2020/08/17
« Le plan meurt toujours en premier »
Répétait un grand général ;
Comme les pions sur le damier,
La partie parfois tourne mal ;
Il faut alors improviser
Pour déjouer le coup fatal.
2020/08/18
Tes beaux cheveux de lin m’ôtaient toute parole ;
Cheminant dans ma main, soyeux et ondulés,
Chantres dorés d’un temps, hélas ! si reculé,
Ils flottaient dans le vent en noble banderole.
2020/08/19
Le monde adulte est un cirque si ubuesque.
Ces enfants gâteux dont l’ego démesuré
Leur fait voir un enfer dans le ciel azuré
Me désolent si bien que j’en pleurerais presque.
2020/08/20
La botlane a feedé ? Tranquille.
Le jungler ne gank pas ? Easy.
Laisse-moi te montrer, petit,
Comment on marque un pentakill.
2020/08/21
Mesdames et messieurs, je sais que c’est lassant ;
Pourtant les temps sont durs : j’en suis une victime.
Auriez-vous par hasard sur vous quelques centimes ?
Une pièce, un billet, un ticket restaurant ?
2020/08/22
J’ai atteint le sommet ; rien ne m’est impossible ;
Je puis tout réussir, fléchir le monde entier.
Pourquoi me sens-je donc si faible, si horrible,
Tel un vil imposteur au mérite usurpé ?
2020/08/24
L’esprit inconscient, immature et si frêle,
Était comme enfermé dans un sommeil profond.
L’être immatériel traversa les éons,
Acquérant lentement une propre structure.
2020/08/25
Bientôt des sentiments de basique nature
Émergèrent en sa primitive psyché.
Il apprit à penser, à croire et à chercher,
Bien qu’il fût sans mentor pour l’aider dans sa quête.
2020/08/26
Seul avec l’infini en triste tête à tête,
Il rencontra l’Ennui, terrible oiseau de proie.
Ce piètre compagnon au langage si froid,
Invita ses amis Désespoir et Souffrance.
2020/08/27
Victime de leurs maux, accablé, sans défense,
Il fut d’un chagrin tel qu’il voulut expirer.
Le glas ne vint jamais ; il dut y renoncer ;
L’expérience au moins lui offrit un désir.
2020/08/29
Je vis d’amour et d’eau fraîche,
Dans mon petit paradis.
Pommes, poires, fraises, pêches :
Tout me plaît sauf les radis !
2020/08/30
La source de grenadine
Qui trône dans le jardin
Est le refuge d’ondines
Charmantes au noble teint.
2020/08/31
Aspirant à quitter son ténébreux nadir,
Il redoubla de fougue et de ténacité.
Bravant l’impénétrable ombre d’éternité,
Lui parvint une idée au mystérieux sens.
Il bâtit un noyau en usant son essence,
Échappant à la mort par un exploit confus.
Le cœur se rétrécit en une sphère infime
Déflagrant alors d’une explosion ultime ;
La noire nuit périt et la lumière fut.
2020/09/02
Que n’ai-je donc pas fait pour gagner tes faveurs ?
J’ai pour toi occis tant de seigneurs et de rois !
Je donnerais mon sang pour soulager tes pleurs
Et mourrais volontiers au seul son de ta voix !
2020/09/03
Hélas ! Pour mon malheur, tu m’ignores sans cesse.
Tu n’as d’yeux que pour ce prince prétentieux,
Dont la vanité n’a d’égal que sa bassesse
Et dont le seul atout est son air gracieux !
2020/09/04
Je devrais te haïr ; je ne puis m’y résoudre ;
Mon lâche et faible cœur espère encor ta main ;
Ô destin si cruel, pourquoi ce coup de foudre ?
Pourquoi m’imposer cet amour sans lendemain ?
2020/09/05
Quel plaisir que de se revoir
Après un an tous dispersés,
De partager ensemble un soir
À rire, chanter et danser.
2020/09/07
La mer brille d’un bleu profond ;
Je laisse ma haine invisible
Se perdre dans le grand siphon
De l’océan fier et terrible.
2020/09/08
Le stylo penche sur ma feuille ;
Je manque d’inspiration.
Malgré ma peine je recueille
Des mots qui viennent en sillons.
2020/09/09
L’inconnue est le but de tout chercheur ;
Sans cesse elle échappe à leur dur labeur.
Théorèmes, lois et équations
S’enchevêtrent en constellations.
2020/09/10
La nuit porte conseil, aussi les sages
Lui réservent-ils leurs arts chronophages.
Absorbés dans leur quête d’absolu,
Ces troglodytes vivent en exclus.
2020/09/11
L’espérance est un mot qui porte un double sens ;
Pour certains, elle évoque un futur plus clément ;
D’autres y voient le mal dans sa toute-puissance :
Les probabilités, horrible châtiment !
2020/09/12
Pensez ! Le traître vit, sans répondre du crime !
Il échappe à sa peine en toute impunité !
Vous le laissez s’enfuir ; je ne puis l’accepter.
S’il le faut, avec lui, j’entrerai dans l’abîme.
2020/09/13
Du haut de la falaise, un bel aigle s’élance ;
Le fier et noble oiseau survole la vallée
Chassant de son œil vif le lièvre sans défense
Qu’il becquettera cru d’un appétit zélé.
2020/09/14
Cher ami, veuillez bien ne pas vous mettre en ire,
Mais je dois vous parler d’un sujet très fâcheux.
Voyez-vous, la compagne avec qui je veux vivre
N’est, hélas ! autre que votre fille aux beaux yeux.
2020/09/16
Le chant des cordes m’est un divin agrément ;
La rose douceur dont mon tympan se régale
Virevolte dans l’air, libre de tout serment,
Sucre d’orge de sons, gourmandise orchestrale.
2020/09/17
En quête du nectar j’ai longuement erré,
Cherchant un leitmotiv à saveur harmonique
Qui pût me transporter vers le ciel éthéré
Au pinacle sacré de la grande musique.
2020/09/18
J’ai suivi maints sentiers au timbre amarescent,
Écumé tant de mers d’acides harmonies,
Animé par l’espoir intense et nitescent
De rencontrer Euterpe aux mille symphonies.
2020/09/19
Au gré de vents crémeux et de mielleux typhons
Emporté dans un monde aux sonores délices,
Quel plaisir que celui d’extraire du tréfonds
Un nocturne nappé de dolentes épices ?
2020/09/21
Fichtre ! j’ai oublié de composer hier.
Quelle indécente erreur ! J’en suis embarrassé.
Ne perdons néanmoins point de temps en prières
Et tâchons plutôt de toujours nous relever.
2020/09/23
Quelle ironie étrange fit que je retombasse
Dès le jour qui suivit ce discours inspirant !
Ma chute vergondeuse exige que je fasse
De cet indigne échec un succès flamboyant.
2020/09/24
Cependant je désire un mets plus raffiné,
Riche d’accords subtils infus d’exquises sèves.
Je reprends résolu mon périple acharné :
Un jour, je trouverai l’aria de mes rêves.
2020/09/25
La nuit m’accueille à bras ouverts ;
Veille sur moi, ma bonne fée.
Je plonge au plus profond des mers
Explorer l’antre de Morphée.
2020/09/26
La discipline est un voyage
Sans horizon ni arrivée.
Mettre de l’effort à l’ouvrage
Prouve une bravoure élevée.
2020/09/27
Le clair de lune brille et blanchit la vallée ;
La faune dort sans bruit au milieu de la flore.
Seule erre la hyène affamée ;
Un rongeur malchanceux ne verra pas l’aurore.
2020/09/28
Caché dans les buissons, un cerf se fait discret ;
Une meute de loups chasse dans les parages ;
Ciel ! L’un d’eux s’approche trop près !
La fuite est l’option que choisissent les sages.
2020/09/29
Sur son arbre perché, l’écureuil fait le guet ;
La nocturne forêt abonde en prédateurs.
Qu’ouït-il donc ? Un bruit suspect ?
Le vent, sans doute, est bien le pire des farceurs.
2020/10/01
Un renard suit de loin un lièvre inconscient ;
Ce soir, il peut enfin remplir sa pauvre panse !
Survient un ours terrifiant ;
Au diable le lapin, rien ne vaut la prudence…
2020/10/02
À travers les fourrés cavale une souris
Jusqu’à ce qu’elle atteigne une belle clairière.
Du ciel alors pleuvent des cris ;
Un aigle, en un éclair, plonge au sol et l’enserre.
2020/10/04
La nuit fut courte et mes yeux tentent
De rester, désespérément,
Ouverts, afin que j’incrémente
Les poèmes de mon serment.
2020/10/05
Le fils du seigneur des Enfers
Rêve de rejoindre les cieux,
D’admirer le bleu roi des mers,
Et de siéger avec les dieux.
2020/10/06
Hélas, son père tyrannique
Lui refuse sa liberté,
Faisant du palais tellurique
Le cachot du jeune agité.
2020/10/08
Guidé par l’appel de son cœur,
Le prince s’enfuit du château,
Laissant derrière lui sa peur,
S’affranchissant de tout fardeau.
2020/10/09
Le chemin qui joint la surface
Est d’unique direction.
Il n’existe ni droit ni passe
Qui octroyât d’exception.
2020/10/10
Le prince entre dans le Tartare,
Domaine empli d’affreux donjons.
Dans cet hostile territoire,
Demeurent traîtres et félons.
2020/10/11
De tels sujets au cœur perfide
S’opposent à notre héros
Lequel, naïf et peu lucide,
Finit par périr de leur maux.
2020/10/12
Il renaît du Styx, divin fleuve,
Dont l’eau couleur sang resplendit ;
Le prince à la puissance neuve
Repart dans l’éternelle nuit.
2020/10/13
Alors qu’il quitte le manoir
Lui vient un message d’en haut.
Ses pairs veulent le recevoir,
Et l’assisteront s’il le faut.
2020/10/14
Les dieux font grâce à l’ardent fils
De dons magiques et puissants ;
Ces artéfacts des temps jadis
L’immunisent à maints tourments.
2020/10/16
Fort de cette faveur insigne,
Le prince vainc ses ennemis.
Debout, se dressant sur sa ligne,
L’attend Mégère aux cheveux gris.
2020/10/17
La Furie est un adversaire
Incomparable aux précédents ;
Ses coups, brisant même la pierre,
Achèvent la lutte en deux temps.
2020/10/18
Le prince ressurgit du Styx
Avec détermination.
Dans sa chambre, un miroir d’onyx
Renforce sa condition.
2020/10/19
S’ensuivent maintes tentatives,
Riches d’échecs parfois cuisants,
De défaites, de douleurs vives,
Dignes des pires châtiments.
2020/10/20
Pourtant le prince enfin terrasse
La belle et fougueuse Érinye.
Tel un poisson fuyant sa nasse,
Il s’échappe avec euphorie.
2020/10/21
Les feux du pré de l’Asphodèle
Accueillent le jeune guerrier.
Les monstres enflamment son zèle ;
Il les vaincra jusqu’au dernier.
2020/10/22
Soufflé par une étrange bombe
Et brûlé vif dans le magma,
Il ne craint pourtant pas la tombe :
Le Styx toujours le sauvera.
2020/10/23
Au terme de plusieurs périples
Du fleuve à la plaine embrasée,
L’hydre aux encéphales multiples
S’oppose à sa course endiablée.
2020/10/24
La redoutable créature
Tiendrait tête aux divinités ;
Par son ubiquiste nature,
Elle attaque de tous côtés.
2020/10/25
Entre eux d’innombrables duels
Dignes des légendes d’antan
Feraient pâlir les éternels,
De la nymphe jusqu’au titan.
Las des primes des temps machinaux de l’hiver,
La déprime détend ma Chine aux deux lits verts.
2020/10/26
Riche de cette expérience,
L’ingénieux prince ennoblit
Son art de manier la lance,
Si bien que l’hydre enfin périt.
Ris, cheval ! Heureux maître aux pleins typhons, lévite !
Riche, valeureux, mais trop plaintif : on l’évite !
Aquilin dithyrambe et nitescent prélat
À qui l’un dit : « Tyran béni, t’es sans pré, là ! »
2020/10/27
Plus haut, des terres cristallines
Lui présentent leurs orchidées
Aux lueurs blanches et divines :
“Bienvenue aux Champs Élysées.”
2020/10/28
“Domaines des grands et des justes,
Des héros et des vertueux”
Clament des braves aux fiers bustes
Devant le prince audacieux.
2020/10/29
Leur endurance inégalable
Les revigore en peu de temps
Et leur technique redoutable
Font d’eux d’effrayants combattants.
2020/10/30
L’adversité souvent exige
Clairvoyance et précaution ;
Le fils se révèle prodige
À la guerrière passion.
2020/11/01
Dans la plus belle des arènes
L’attendent, prêts à l’action,
Thésée, illustre roi d’Athènes,
Et le terrible Astérion.
2020/11/02
Pressé par le duo mythique,
À bout de souffle et d’énergie,
Le prince assène un coup critique
Ôtant à l’hybride la vie.
2020/11/03
Fou de rage, Thésée invoque
Le courroux de Poséidon ;
Zeus, d’une faveur réciproque,
Répond sans hésitation.
2020/11/04
Au milieu de l’apocalypse,
Un éclair frappe, abruptement,
Le roi qui, vaincu par l’éclipse,
Expire sans gémissement.
2020/11/06
Surpris de sa propre victoire,
Le prince reprend son chemin,
Sortant par la porte d’ivoire
Qui seule connaît son destin.
2020/11/07
Foulant du pied la terre vierge
Que nul n’avait encore atteint,
Le prince aperçoit le concierge
Qui les clés du temple détient.
2020/11/08
Devant lui se dresse Cerbère,
Des Enfers gardien attitré.
Aimant la bête comme un frère,
Le prince a le cœur déchiré.
2020/11/09
Refusant avec véhémence
D’occire son cher compagnon,
Il pénètre non sans prudence,
Dans la riveraine prison.
2020/11/10
Le lugubre cachot abrite
Vermines, satyres et rats
Qui ont pour arme favorite
De puissants poisons scélérats.
2020/11/11
Au plus profond du labyrinthe,
Dans un beau sanctuaire, gît
Une fontaine dont l’eau sainte
Revigore corps et esprit.
2020/11/12
Le prince boit le divin fluide
Retrouvant sa vitalité.
Alors, un sac d’odeur fétide
Pique sa curiosité.
2020/11/13
Son contenu fort méphitique
Est pour Cerbère un mets fameux ;
En échange du pique-nique
Le chien daigne fermer les yeux.
2020/11/14
Du souterrain, le prince émerge
Et voit, pour la première fois,
La blancheur de la neige vierge
Si propre aux hivers les plus froids.
2020/11/15
Devant lui, grave et impassible,
Son père fixe l’horizon.
Si vaincre un dieu semble impossible,
Le fils doit vaincre la raison.
2020/11/16
Le roi des Enfers lui annonce
Que sa fuite prend ici fin
Et qu’il n’attend pas de réponse :
Le sot périra de sa main.
2020/11/17
Le prince garde le silence :
Sa cause est d’avance perdue.
Seule la sainte violence
Sera pour eux juge absolue.
2020/11/18
Le dieu chthonien prend sa lance
Et, d’un estoc sur son enfant,
Transperce son cœur sans défense,
Y imprimant un trou béant.
2020/11/19
Malgré cette défaite ingrate,
Le prince est loin de renoncer ;
Porté par le fleuve écarlate,
Il brûle de recommencer.
2020/11/20
Toujours il affronte Mégère,
L’hydre, Thésée, Astérion,
Esquivant l’ire de Cerbère
Au cours de son ascension.
2020/11/21
Toujours en sortant des Enfers,
Son père consterné l’attend ;
Toujours il essuie un revers,
Mais toujours mieux il se défend.
2020/11/22
Toujours l’étreinte de la mort
Est un nouvel enseignement,
Si bien qu’un jour, contre le sort,
L’enfant surpasse le parent.
Vaincu, le dieu sans mot s’efface,
Ouvrant au prince le chemin
Vers l’infinité d’un espace
À la hauteur de son destin.
2020/11/23
De la faible lueur qui coule des étoiles
Ta tendre silhouette absorbe la blancheur ;
Flottant au gré du vent, ta crinière de voiles
Reflète dans la nuit les sursauts de mon cœur.
2020/11/24
Au rythme de tes pas teintés d’impatience,
Crépitant du doux feu de notre passion,
Tu m’entraînes sans mot dans ta mystique danse
Et je cède au plaisir de la tentation.
2020/11/25
À l’enivrant frisson de ta main qui me touche,
De ton corps qui m’étreint, de ta peau sur ma bouche,
L’esprit sensé succombe et seul survit l’amant.
Étendu sur le sol dans l’ombre souveraine,
Contemplant le visage auguste de ma reine,
Je me perds dans tes yeux où luit le firmament.
2020/11/26
Dans le théâtre empli, le silence est entier
Tandis que régisseurs, comédiens, actrices
Attendent, patients, blottis dans les coulisses,
Que résonnent enfin les coups du brigadier.
2020/11/27
Un nouveau monde naît au lever du rideau,
Où se tissent les fils d’une envoûtante intrigue
Qu’un flux d’émotions intensément irrigue,
Éclipsant du public le terrestre fardeau.
2020/11/28
Grande toile mêlant la roture et la cour,
Gouttes dans l’océan, feuilles dans la tempête,
Tristes martyrs d’un sort dont la mort est prophète,
Quels tragiques destins sur scène voient le jour !
2020/11/29
Orage et désespoir, oracles de malheur,
Déchaînent sans répit leur divine colère !
Le spectateur transi par la sombre lumière
En oublie, ébloui, le masque de l’acteur.
2020/11/30
Mais lorsqu’enfin sévit le temps des châtiments,
Que brille de pleins feux le noble caractère,
Que retombe le noir et reparaît la terre,
Fusent en un éclair les applaudissements.
2020/12/01
Condiments et parfums d’Arabie
Embaumaient l’air chargé du désert ;
Les marchands, avec anacribie,
Exposaient leur bazar découvert.
« Étrangers, ouvrez grand vos mireilles !
Contemplez ces scintillants joyaux
Extirpés de la cave aux merveilles
Qui héberge les trésors royaux ! »
2020/12/02
Dans un sac, les pierres précieuses
Rayonnaient d’un éclat chatoyant :
Rien de tel que des histoires creuses
Pour piéger le crédule passant.
2020/12/03
Malgré l’aspect douteux de l’affaire,
Un touriste osa prendre un rubis ;
C’est là tout le charme du mystère :
L’exotisme mérite un bon prix.
2020/12/04
Car lorsque s’achève le voyage
Et que le souvenir devient flou,
Ce qui le distingue du mirage
N’est rien d’autre que le beau caillou.
2020/12/05
Soleil qui resplendit en roi parmi les cieux,
Essence de bonheur guidant mon humble plume,
Gentillesse incarnée au rire chaleureux,
Où vas-tu donc puiser le feu qui te consume ?
Loin de toi, je languis, boursouflé de douleur,
Offrant au désespoir mes entières pensées,
Vétuste ombre gisant sous un saule pleureur
Empli d’un chagrin propre aux amours insensées.
Girouette sans vent, navire privé d’eau,
Attendant sans faillir le temps du renouveau,
Serai-je encore un jour béni de ta présence ?
Croisant mes frêles doigts au pied du grand flambeau,
Hanté par le regret, j’éteins mon existence.
2020/12/06
Voyez cet agneau vierge, épris d’une brebis,
Qui lui court tout autour, maladroit et timide,
Espérant la charmer par des gestes fleuris
Et se heurtant au mur d’une attention vide.
2020/12/07
Toujours à ses côtés, désireux de servir,
Il supporte sans bruit ses incessants caprices ;
Madame veut de l’herbe ? Il part la lui quérir,
Cherchant un vert gazon digne des Alpes suisses.
2020/12/08
Hélas ! la chère et tendre ignore sa bonté,
Préférant courtiser les boucs aux belles cornes.
La cruelle, parfois, d’un sourire éhonté,
Lui souffle : « Je vous voue une amitié sans bornes. »
2020/12/09
À ces mots, son cœur saigne ; ô malédiction !
Que n’eût-elle daigné lui donner une chance ?
Que ne pût-il céans perdre l’audition ?
Plutôt mourir qu’entendre une autre confidence !
2020/12/10
Noyé dans son malheur, un sursaut de raison
Le libère et l’amène à changer de rivage ;
Chers amis, si l’amour devient votre prison,
Sachez vous relever ; sachez tourner la page.
2020/12/11
Un archange descendit sur terre
Pour m’offrir le pouvoir de la paix.
Je tendis la main vers sa lumière ;
Dans le ciel, les étoiles brillaient.
2020/12/12
Assis sur l’herbe fraîche, inspirant l’air alpin,
Du charmant paysage un peintre s’émerveille.
Les monts gravés au loin dans un noir de fusain,
Évoquent une extase à nulle autre pareille.
2020/12/13
Blancs sommets enneigés, vertes forêts de pins,
Bleu profond de l’azur où, chaque jour, s’éveille,
En illuminant l’onde aux reflets sibyllins,
Le châle lumineux de l’aurore vermeille.
2020/12/14
Édelweiss argentés, étoiles des glaciers,
Violettes asters avides de baisers,
Buissons feuillus où dort une brune couleuvre,
Jaune abeille quittant la ruche au miel doré,
Assemblent un tableau dont l’artiste, honoré,
Par son habile main reproduit le chef d’œuvre.
2020/12/15
Camarades, debout ; le devoir vous appelle :
Il est temps de bâtir une époque nouvelle.
« Le monde tourne rond. », pense le président,
Tandis que le bas peuple erre en quête d’argent.
2020/12/16
Camarades, debout ; le devoir vous appelle :
Il est temps de bâtir une époque nouvelle.
Regardez ces patrons, vampires de labeur,
Suçant des employés le sang et la sueur ;
Ces ministres, suppôts du grand capitalisme,
Travestissant les lois par simple fanatisme ;
Ces députés menteurs prêchant l’égalité,
Dissimulant leurs gains dans l’illégalité ;
2020/12/17
Ce président qui croit que traverser la rue
Suffit à récolter sa portion congrue ;
Ces banquiers cultivant leurs juteux intérêts :
Le client est la souche, et le crédit l’engrais ;
Ces héritiers nantis, bourgeois de pacotille
Dont l’unique mérite est leur nom de famille ;
Ces avocats véreux dont les creux plaidoyers
Défendent les escrocs qui pillent les foyers ;
2020/12/18
Ces préfets de police ivres de violence
Passant de leurs agents les crimes sous silence ;
Ces directeurs haineux dont l’unique plaisir
Est de voir leurs adjoints trimer, geindre et souffrir ;
2020/12/19
Ces financiers sans vie, esclaves de galère
Sacrifiant leurs nuits au nom de leur salaire ;
Ces politiciens aux discours de velours
Jouant mieux du pipeau que les feus troubadours ;
2020/12/20
Ces prêtres criminels de la plus basse engeance
Flétrissant de leurs mains les fleurs de l’innocence ;
Ces marchands de terreur, apôtres des complots,
Qui se moquent des faits et déforment les mots ;
Ces sicaires bestiaux, aveuglés par la haine,
Entretenant le feu de leur guerre malsaine ;
2020/12/21
Je rêve d’explorer la céleste cité
Dont mes ancêtres ont longtemps cherché la trace ;
Nuageuse contrée où règnent la clarté,
La splendeur, la beauté, l’élégance et la grâce.
2020/12/22
Ces grands chefs d’entreprise, empereurs tout-puissants,
Qui ont entre leurs mains le sort des indigents ;
Ces dictateurs en herbe aux discours populistes
Fiers de représenter des idéaux fascistes ;
2020/12/23
Ces docteurs corrompus, infâmes charlatans,
Abjurant la science au malheur des mourants ;
Ces consultants pompeux, experts de l’artifice,
Qui brassent plus de vent qu’ils ne rendent service ;
2020/12/24
Et tous ces inconnus, ces citoyens normaux,
Qui se plaignent de tout mais tolèrent ces maux !
Camarades, debout ! Que périsse le vice !
L’ancien monde a vécu : l’heure est à la justice.
2020/12/25
Cessez de résister à l’appel du voyage :
Enfilez un manteau sur vos plus beaux haillons,
Ne prenez ni cahiers, ni pain, ni picaillons,
Et osez vous enfuir de la mondaine cage.
2020/12/26
Loin du sourd grondement de la bruyante ville
Serinant à tue-tête un tumulte strident,
Goûtez à ce silence, à ce calme apaisant,
Qui berce le tympan et l’allégresse instille.
2020/12/27
Admirez des chemins les sylvestres colonnes
Arborant fièrement smaragdins vêtements,
Éphélides de mousse et juteux ornements,
Paisibles empereurs aux changeantes couronnes.
2020/12/28
Traversez l’Orient aux éphémères dunes,
À l’or arénacé aux mille et un carats
Graines de siccité, terre des émirats
Aux fabuleux trésors et sublimes fortunes.
2020/12/29
À l’horizon, de fiers lendores de granite
S’élèvent de leur strate et caressent les cieux ;
Là-haut se trouverait le domaine des dieux,
Oasis à jamais aux mortels interdite.
2020/12/30
En quittant le vieux port aux véliques nuages,
Laissez-vous dériver au souffle du zéphyr,
Leste nocher plissant la nappe de saphir
Pour mener le navire à de lointains rivages.
2020/12/31
Dehors, la nuit s’installe ainsi que la brouée ;
Les fêtards isolés comme des esquimaux
Célèbrent malgré tout la fin de cette année ;
Gageons que la suivante en corrige les maux !
2021/01/01
Après l’épidémie, infâme pasquinade
De l’évolution à l’humour hasardeux,
Prions pour un retour hâtif à l’embrassade
Qui précède toujours les repas chaleureux.
2021/01/02
Quand l’astre blanc s’éteint et que brille sa reine,
De l’onde contemplez le manteau coruscant,
Miroir de l’Empyrée antique où l’on entend,
Comme écumant la nuit, le chant d’une sirène.
2021/01/03
Une île tropicale aux ravissantes plages
Daigne vous recueillir des quinteux océans ;
Explorez-en la jungle aux bois sempervirents
Humides et infus d’odeurs de fleurs sauvages.
2021/01/04
Entre arbres et rochers serpente la rivière
Dont le doux sifflement charme les résidents ;
Son lit marmoréen tapi de galets blancs
Évoque d’un dragon les écailles de pierre.
2021/01/05
Au cœur de l’archipel, un poumon ignivome
Gronde dans son sommeil d’un ronflement serein.
Sans réveiller la bête, en discret pèlerin,
Pénétrez dignement son chthonien royaume.
2021/01/06
Les couloirs souterrains ceints d’écarlate glace,
Mènent au lieu maudit dont nul ne sort jamais.
Un nautonier proscrit aux vivants son accès ;
Comme Dante jadis, regagnez la surface.
2021/01/07
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage »
Écrivait un grand chantre en mirant l’horizon.
L’aventure est pour l’homme un temps de floraison ;
De l’esprit du nomade éclot celui du sage.
2021/01/08
Dans le noir, un mineur fuligineux s’éreinte
À frapper le charbon d’un pendule d’acier ;
Le morne cliquetis au rythme régulier
Résonne tristement en mécanique plainte.
2021/01/09
Sur le piètre sommier d’un lugubre dortoir,
La gourgandine endure une nouvelle nuit.
Ses larmes ont séché d’un aride dépit ;
Seul subsiste en son cœur l’ombre du désespoir.
2021/01/10
Grelottant sous la neige, le bélître asthénique
Se blottit dans le coin du porche du beffroi.
À la merci du vent, il attend dans l’effroi
Que brille le soleil ou que son sang abdique.
2021/01/11
Accoudée au comptoir, une vieille ouvrière
S’abreuve de rogomme au pouvoir d’amnésie.
Son corps usé, meurtri, rongé par la phtisie,
Ne trouve réconfort que dans le pourpre verre.
2021/01/12
Au milieu de son champ consumé par le givre,
Le métayer s’assoit pour accueillir sa fin.
Plutôt que voir ses fils expirer de la faim,
Il attend, résigné, que le froid le délivre.
2021/01/13
Le destin est injuste, apprenez à le craindre.
Ce qui vous semble acquis peut vous être enlevé ;
Chers lecteurs, profitez du bonheur réservé
À ceux qui sont bénis du loisir de se plaindre.
2021/01/14
Minuit sonne à l’église ; il est l’heure ; sortons
Fureter dans la ville en toute quiétude.
Quand tous les chats sont gris et dorment les piétons,
Se manifeste un monde épris de solitude.
2021/01/15
Tous les soirs, en secret, nous écumons les rues,
Baignant dans les rayons de l’ombre chaleureuse.
Aux yeux des lumineux espèces disparues,
Nous sommes les sujets de l’arche ténébreuse.
2021/01/16
Mystérieux démons issus des anciens temps :
Centaures, elfes noirs, dragons et léviathans
Émergeant du néant pour peupler la surface.
Ivres de cauchemars, nous festoyons sans bruit,
Puis nous disparaissons quand s’achève la nuit
Sans qu’il reste de nous la plus infime trace.
2021/01/17
Quand l’empire s’endort, à son insu s’agite
Un organe vibrant de conspiration
Dont le cerveau multiple incessamment cogite,
Du peuple fomentant la révolution.
2021/01/18
Muscles de chair et d’os trafiquent or et armes,
Réfugiés dans l’ombre aux mouvements suspects,
Baignant dans la sueur, la gadoue et les larmes ;
Il faut gagner la guerre avant d’avoir la paix.
2021/01/19
Comment purifier ce royaume malade,
Corrompu jusqu’aux nerfs par le vice et l’argent ?
Dans ses vaisseaux sanguins, le vent d’une tornade
Prépare de ces maux le remède mordant.
2021/01/20
Dans un mois prendra fin la grippe impériale ;
Dans un mois périront ces nobles purulents ;
Dans un mois guérira la pâle capitale
Et brilleront enfin ses flambeaux rougeoyants.
2021/01/21
Je repense aux chemins de la vieille campagne
Où je vécus, enfant, dans les fleurs et les champs.
Je gambadais gaiement, rêvant de la montagne,
Caressant les moutons aux sabots trébuchants.
2021/01/22
Siégeant dans la lumière, un majestueux chêne
Daignait me protéger d’un zénith esseulé ;
Son toit d’écorce brune et son ombre sereine
Berçaient mon doux sommeil d’angoisse immaculé.
2021/01/23
À deux pas, entouré de buissons d’aubépine,
Ruisselait un cours d’eau galamment parfumé
Où parfois je voyais se baigner une ondine
Dont le sourire, au premier jour, m’avait charmé.
2021/01/24
Cette nymphe sublime, image d’Aphrodite,
Emplissait l’univers de mes rêveuses nuits ;
Dans mes bras enlacée, elle riait, séduite,
Et je vainquais ainsi mille amants éconduits.
2021/01/25
Dans ce monde sculpté d’une onirique argile,
J’étais l’objet béni de son affection ;
Est-il songe plus beau que l’innocente idylle
D’un cœur se découvrant une inclination ?
2021/01/26
Je me noyais entier dans son noble visage
Jusqu’à ce qu’elle dût aux anges retourner ;
Alors elle ascendait, emportant ce mirage,
Après avoir empreint mes lèvres d’un baiser.
2021/01/27
Inéluctablement, une brume légère
S’abattait sur la terre en voile de satin ;
Traversant le linceul, une douce lumière
M’annonçait la cruelle approche du matin.
2021/01/28
Muet, j’ouvrais les yeux, libérant une larme
Dont la cause échappait à mon entendement.
Je me levais, confus, vers cette aurore parme
Où je cherchais l’éclat d’un tendre sentiment.
2021/01/29
Le rideau de soleil pansait ma nostalgie,
Ramenant mon esprit à la réalité.
Une timide brise éteignait ma bougie
Et devant moi naissait un nouveau jour d’été.
2021/01/30
D’un noir profond, trônant au centre de la salle,
Se faisant tantôt basse et tantôt soprano,
Inondant l’opéra de sa voix magistrale,
Comme figeant le temps, chante le piano.
2021/01/31
D’un mélodique élan, il transporte les âmes
Qui boivent volontiers ses langoureux récits,
Plus émouvants que maints contes, mythes et drames ;
Les mots sont des accords les reflets imprécis.
2021/02/01
Une altière envolée insuffle à la ballade
Un vent impétueux de flocons argentés,
Défilant dans les cieux en fluide cascade
Comme suivant, chacun, leurs propres volontés.
2021/02/02
Le vigoureux torrent devient calme rivière,
Coulant paisiblement en mode éolien ;
Mélancolique plainte et pieuse prière
S’unissent toutes deux d’un timide lien.
2021/02/03
Tel un astre brillant, la sereine berceuse
Dévoile chastement sa robe de cristal ;
Un grave chœur surgit, sonore Bételgeuse,
Annonçant du morceau le chapitre final.
2021/02/04
Dans un rythme effréné s’enchaînent les arpèges,
Météores filants libres de tout substrat,
Feux follets spiralant en furieux manèges
Consumant l’univers dans un dernier éclat.
2021/02/05
Un jeune miséreux accroupi dans le noir,
La tête dans les bras, pétri de désespoir,
Redoutait son futur au bagne condamné,
Son destin enchaîné par le poids des années.
2021/02/06
Défilaient devant lui des souvenirs d’enfance
Imprégnés de la blanche odeur de l’innocence ;
Il rêvait de vêtir l’habit du magistrat
Mais lui fut assigné celui du scélérat.
2021/02/07
Tenté par l’interdit, curieux et joueur,
Il découvrit la poudre aux pouvoirs enchanteurs.
D’une inspiration son esprit s’envolait
Dans un rêve où planaient des anges violets.
2021/02/08
Lorsqu’Icare enfreignit les ordres de son père,
Le soleil le punit et ses ailes brûlèrent.
Ivre de liberté, le crédule garçon
Ignorait du nectar la cruelle rançon.
2021/02/09
Ses commandes du soir se firent plus fréquentes ;
Sans sa dose, il souffrait de pulsions urgentes ;
Cet agneau vulnérable, endetté jusqu’au cou,
S’était jeté – hélas ! dans la gueule du loup.
2021/02/10
Alors qu’il suppliait à genoux son dealer,
Il se vit refuser son accès au bonheur.
Quelque chose en lui se fendit. Un cri glaçant
Fusa. Quel est ce liquide rouge ? Du sang.
2021/02/11
Sous le cadavre inerte, une flaque écarlate
Fuitait du trou béant imprimé dans sa rate ;
Le couteau dans la main, muet, l’adolescent
Comprit que rien ne redeviendrait comme avant.
2021/02/12
Hanté par le remords qui torturait son âme,
Chaque nuit, il voyait s’ensanglanter la lame ;
C’en était trop. Cherchant sa juste sanction
Il fit le premier pas vers la rédemption.
2021/02/13
Il avoua son crime au sein d’un tribunal,
Se délivrant ainsi de sa peine infernale.
Après bien des hivers, il sortit de prison
Accueilli par les cerisiers en floraison.
2021/02/14
Avez-vous reçu rose ou lettre ce matin ?
Aujourd’hui, chaque amant peut déclarer sa flamme
Pour espérer saisir ce que leur cœur réclame ;
Tel est le charmant jeu de la Saint-Valentin.
2021/02/15
Je revois tes doux yeux, joyaux emplis de ciel,
M’invitant dans leur monde espiègle et merveilleux.
Nous nous voyions jadis en amants éternels ;
Tout semblait annoncer un futur radieux.
2021/02/16
Où me guident ces pas cherchant, dans la nuit noire,
Un bruit, un son qui pût me rappeler ta voix ?
En humble voyageur à la quête illusoire,
Je sillonne le monde et ses obscures voies.
2021/02/17
Arriverai-je un jour à retrouver un sens
À ce monde sans toi, soleil de mes journées ?
J’ai voulu maintes fois abréger mes souffrances ;
En finir pour toujours avec la destinée.
2021/02/18
Et pourtant, quand me vient ce morbide désir,
Quand m’assaillent soudain ces rêves ténébreux,
Ressurgit en mon cœur le rayonnant sourire
Que tu me fis quand je te promis d’être heureux.
2021/02/19
Je comprends désormais la raison pour laquelle
Tu vivais pleinement chaque jour, chaque instant ;
Puisse le souvenir de ta joie éternelle
S’illuminer en moi jusqu’à la fin des temps.
2021/02/20
Deux guerriers se font face au milieu de la plaine
Sur laquelle gouverne un silence étouffant ;
Chacun porte sa main au fourreau puis dégaine
Son sabre légendaire, aussi vif que le vent.
2021/02/21
Voici qu’en un clin d’œil, leurs épées s’entrechoquent,
Faisant tinter le glas de leur ardent combat ;
Leurs puissants mouvements fendant même le roc
Semblent pourtant d’amants les espiègles ébats.
2021/02/22
Pétales ondulant en vagues circulaires
Dont le simple toucher délivre de la vie,
Les fleurs des samouraïs sont filles de l’éclair,
Déesses de métal foudroyant à l’envi.
2021/02/23
Plus aveuglant que même un soleil estival,
Leur art resplendissant de virtuosité
Incarne des bretteurs le noble festival
Dont seule l’élégance égale la beauté.
2021/02/24
Un éphémère éclat achève cette danse ;
L’un s’écroule à genoux, devant sa main coupée ;
Le vainqueur, par égard au vaincu sans défense,
Donne le coup de grâce et rengaine l’épée.
2021/02/25
Beaucoup sont apeurés par les mathématiques ;
Leur déluge incessant de symboles abscons
Inondent les cahiers d’un langage cryptique
Façonné par des fous nous prenant pour des sots.
2021/02/26
Pourtant, bien des beautés se cachent dans ce monde
Où l’abstraction peint et sculpte les idées.
Un nouveau théorème offre à l’âme féconde
De multiples chemins vers des cieux débridés.
2021/02/27
Les efforts du chercheur têtu qui persévère
Laissent sur le tableau mille traces de craie ;
Tout nébuleux concept dévoile sa lumière
À celui qui s’attache à percer ses secrets.
2021/02/28
Ensembles et voisins charment le topologue
Qu’ils soient ouverts, fermés, compacts ou bien complets.
Ces quelques notions ne sont que le prologue
D’un domaine étonnant aux sibyllins objets.
2021/03/01
Quelle application que l’exponentielle,
Qui s’envole vers l’infini et au-delà !
Son frère logarithme, un brin plus graduel,
Lambine un peu mais sait qu’il la rattrapera.
2021/03/02
Transformez des vecteurs par un endomorphisme ;
Ce doux fruit algébrique au noyau captivant
Conserve les saveurs qui traversent son prisme
Et soigne son image à l’aune de son rang.
2021/03/03
Un carré négatif ? Quelle est cette chimère ?
Produit de ces instincts propres aux grands esprits,
Avec l’axe réel, la droite imaginaire
Construit un plan complexe où tout devient permis.
2021/03/04
Polynômes fleuris aux multiples racines
Dont la température augmente par degrés,
Gardez toujours le cap sur la mer assassine
Car, si vous dérivez, vous n’en réchapperez.
2021/03/05
Sinus et cosinus, tangente et cotangente,
Naquirent des écrits des savants indiens,
Leur définition rigoureuse et savante
D’une série entière, en revanche, provient.
2021/03/06
Tant de magie encore il me reste à vous dire ;
Un traité n’est assez pour en toucher le fond !
Si ces vers en votre âme éveillent le désir
De trouver l’inconnue, osez le grand plongeon.
2021/03/07
Au milieu de la jungle où chassent sans pitié
Les ingrats, les menteurs et les opportunistes,
Se cachent des jardins intimes, loin des pistes,
Où seule s’épanouit la fleur de l’amitié.
2021/03/08
Venez vous reposer par un jour nuageux
Dans ces havres de paix dénués de malice.
De tout lieu, l’amour fait un paradis propice
Aux actes de tendresse et gestes chaleureux.
2021/03/09
Quel énigme qu’un monde aussi cruel et beau
Où l’on peut voir au sein des horreurs de la guerre
Le sourire d’un fils qui embrasse sa mère
Illuminant le noir de l’exigu caveau.
2021/03/10
De travail submergée, une jeune employée
S’acharne nuit et jour, se privant de sommeil.
Son ami soucieux lui prodigue conseil ;
Sans lui, l’inconsciente aurait péri noyée.
2021/03/11
Assis dans son salon, un homme aux cheveux blancs
Regarde tristement une chaise bien vide.
Son voisin interrompt sa soirée insipide
Et l’invite chez lui pour passer du bon temps.
2021/03/12
Certains cachent leurs maux sous un masque d’entrain ;
Ils désirent pourtant une douce caresse.
Même le moindre geste est à l’âme en détresse
Un rayon de soleil qui panse son chagrin.
2021/03/13
Mes nuits m’offrent un monde où tout devient possible :
Où je deviens l’ami de nobles chevaliers,
Où j’explore des lieux au charme irrésistible
Où j’affronte sans peur des monstres par milliers.
2021/03/14
Chaque jour rime avec une belle aventure ;
L’aube au voile doré m’indique le chemin
Vers des pays lointains d’exotique nature
Égalant de prestige un empire romain.
2021/03/15
Buvant d’un vin léger l’escapade vibrante
À travers la forêt, les champs et les marais
Dont la fine palette aux cent couleurs m’enchante,
Je me laisse enivrer par leurs exquis attraits.
2021/03/16
Sous un voile feuillu gît une silhouette
Dont l’armure trahit le noble gabarit.
Dans les bras de Morphée, indolente et muette,
La rêveuse guerrière à ses anges sourit.
2021/03/17
L’endroit étant peu sûr, je m’assieds auprès d’elle,
Attendant que ses yeux se rouvrent à nouveau.
J’admire malgré moi sa figure si belle ;
Son regard me surprend et s’empourpre ma peau.
2021/03/18
Sous de longs cils d’argent, ses iris émeraude
Capturent sans effort ma pleine attention.
Après un bref instant, d’une voix douce et chaude,
Elle me remercie et s’enquiert de mon nom.
2021/03/19
Trébuchant sur mes mots, je lui réponds et tente
Un sourire assuré mais la guerrière rit ;
Mon teint presque écarlate et ma bouche tremblante
Avaient mon embarras sur mon visage inscrit.
2021/03/20
Lucina se présente à son tour et suggère
Que nous marchions à deux pour un bout de chemin.
Ainsi, nous repartons sous l’orange lumière
Du soir où l’on entend d’un merle le refrain.
2021/03/21
Le tapis vespéral des feuilles de l’automne
Que nous foulons d’un pas leste et silencieux
Semble nous inviter entre brunes colonnes
Dans un palais nocturne aux salons gracieux.
2021/03/22
La route se divise en deux distinctes branches ;
À gauche, j’aperçois, taquinant l’horizon,
Une côte brumeuse et des falaises blanches,
D’infinis océans onirique cloison.
2021/03/23
La scène plaît aux yeux, mais c’est bien vers la droite
Que je dois avancer ; l’inconnu m’y attend.
Se touchant les cheveux, ma partenaire, coite,
Timidement me jette un regard hésitant.
2021/03/24
Mon cœur un temps vacille et s’apprête à la suivre
Vers cette mer lointaine au brillant pavillon
Quand l’âpre souvenir d’une lame de cuivre
Qui me blessa jadis brise l’illusion.
2021/03/25
Cet éclat de mémoire imprégné d’infamie
Inonde mon esprit de rage et de regret.
D’un pas ferme, je prends congé de mon amie,
Décidé, de ce songe, à percer le secret.
2021/03/26
Guidé par mon instinct, j’entre dans les ténèbres
Dont l’appétit sans fin happe tout ce qui vit.
Je ne crains nullement leurs entrailles funèbres ;
Mon désir de vengeance illumine la nuit.
2021/03/27
Une lueur, soudain, me rend à la surface ;
Je vois la ville, au loin, qui dort paisiblement.
De mon égarement ne reste aucune trace
Et je pense au doux lit dont le confort m’attend.
2021/03/28
Les torches sur les murs m’accueillent à l’entrée,
Leurs flammes vacillant d’un air capricieux,
Projettent sur le sol une ombre colorée
Évoquant un démon fourbe et malicieux.
2021/03/29
Sillonnant la bourgade aux artères désertes,
J’inspire l’air nocturne en lequel s’affermit
Cet enivrant parfum d’énigmes recouvertes
Par un mystérieux suaire d’interdit.
2021/03/30
Au milieu des jardins baignés de clair de lune
Erre un chien vagabond qui gémit sans cesser.
Sa mine dépitée et sa fourrure brune
Me somment, par pitié, d’aller le caresser.
2021/03/31
Attendant calmement que l’animal s’endorme,
Je chante une berceuse en un faible soupir
Emporté par le vent dans les feuilles d’un orme,
S’envolant vers le monde abstrait du souvenir.
2021/04/01
Le chien s’est assoupi ; je repars vers le gîte,
Pose une pièce d’or devant le tavernier
Qui sourit en voyant sa couleur favorite,
Et monte dans ma chambre afin de me coucher.
2021/04/02
Réveillé par le cri strident d’un volatile
Réputé pour sa crête à l’aspect flamboyant,
Je demeure allongé dans mon lit, immobile,
D’un sommeil trop léger encore inconscient.
2021/04/03
Mon esprit embrumé s’extirpe du nuage
Avecque grande peine et douloureux émois
Comme s’il découvrait son charnel sarcophage
Et devait le mouvoir pour la première fois.
2021/04/04
Je quitte la cité, marchant vers la frontière
Séparant notre État des empires voisins.
Les coquets toits urbains sont déjà loin derrière ;
Ici rôdent sans lois voleurs et spadassins.
2021/04/05
La joyeuse verdure a laissé place aux cendres,
Héritage maudit d’un conflit meurtrier.
Pas une âme alentour, sinon deux salamandres
Qui prennent le soleil sur ce noir d’encrier.
2021/04/06
À chacun de mes pas se soulève un nuage
Endormi sur le sol depuis plus de cent ans ;
La charbonneuse odeur que leur éveil dégage
Semble infuse du sang des anciens combattants.
2021/04/07
Quel spectacle honteux que celui de la guerre,
Joué par des pantins vivants, de chair et d’os,
Expédiés au cœur d’un vaste cimetière
En un soir ponctué d’innombrables tombeaux.
2021/04/08
Face à cette rancune invisible qui suinte
En gouttes de malaise, il m’apparaît urgent
De traverser avant que sa sinistre empreinte
Ne m’entraîne avec elle et m’enterre vivant.
2021/04/09
Après de longues nuits à procéder, sans pause,
De peur qu’un somme se révèle mon dernier,
Je peine à rester éveillé… Que me propose
Ce rocher ? De m’allonger sur son beau dossier ?
2021/04/10
La tentation est forte ; une courte sieste
Me ferait du bien… Je m’assieds, déjà rêveur.
« Pauvre fou ! Lève-toi ! » Perçois-je un cri céleste ?
Une angélique voix me sort de ma torpeur.
2021/04/11
Reprenant mes esprits, je rouvre mes paupières ;
Une main m’est tendue en guise de soutien ;
Je la prends et m’extrais de mon lit de poussières,
Prêt à remercier mon opportun gardien.
2021/04/12
La douceur de sa peau s’avère une surprise ;
Je me risque à hausser un regard intrigué ;
De longs cheveux de lin ballottés par la brise
Ornent une œuvre d’art qui me tient subjugué.
2021/04/13
« Le désert noir d’Ormak est périlleux et traître ;
Seuls les inconscients osent le traverser
Sans s’être fait bénir par le pouvoir d’un prêtre.
Es-tu désespéré pour ainsi te presser ? »
2021/04/14
Lucina m’interpelle avec inquiétude
Si bien que je demeure interdit quelque instant
Pris d’un étonnement mêlé de gratitude
À la revoir au cœur d’un austère néant.
2021/04/15
Ma sauveuse, devant mon éloquent silence,
Lâche prise et m’enjoint de la suivre de près :
« Il faut que nous quittions cet antre de démence ;
Si nous restions ici, tu n’en réchapperais. »
2021/04/16
Quand pointe enfin le jour, j’aperçois, rayonnante,
Une terre fleurie, éden inespéré
Qui me délivrera de cette âpre tourmente
Aussitôt que j’aurai sa verdure foulé.
2021/04/17
Laissant derrière moi le ténébreux domaine,
Je m’écroule, éreinté, sur un petit buisson.
Le seyant matelas de naturelle laine
M’accueille dans ses bras sans l’once d’un soupçon.
2021/04/18
Un sourd crépitement près de moi me réveille ;
Dans la profonde nuit, un humble feu de bois
Sereinement diffuse une lueur vermeille
Dont la tendre chaleur enveloppe mes doigts.
2021/04/19
De sa pensive main, mon altière gardienne
Entortille une mèche en contemplant les cieux.
Je me fais une place en face de la sienne,
Savourant l’agrément d’un temps religieux.
2021/04/20
Nous demeurons ainsi, spectateurs du miracle
Esquissé sur ce vierge et splendide plafond
Qui s’étend, infini, plus haut que tout pinacle,
Offrant son harmonie à l’esprit vagabond.
2021/04/21
La fière Lucina, feintant la nonchalance,
Prétend lui consacrer sa pleine attention ;
Je devine à ses yeux luisant d’impatience
Qu’elle attend de ma part une explication.
2021/04/22
Devant cette insistance à peine déguisée,
Je lui narre ce songe en mon cœur enfoui
Dont les fragments pétris d’une haine embrasée
Réclament le trépas d’un obscur ennemi.
2021/04/23
« Le spectre supposé d’une honte soufferte
Est au bonheur d’un homme un piège menaçant.
Ta quête pourrait bien te mener à ta perte ;
Qu’espères-tu gagner en la satisfaisant ? »
2021/04/24
Les mots de Lucina sont certes soutenables
Mais je ne puis dompter ma bouillante fureur ;
Le cœur a ses raisons parfois impénétrables
Capables d’entraîner la raison dans l’erreur.
2021/04/25
L’incompréhension qu’en mon âme provoque
Sa juste question manque de m’irriter.
La nuit porte conseil ; d’un accord réciproque,
Nous retournons chacun au lit pour méditer.
2021/04/26
Ne suis-je que l’objet de mes humeurs primales,
Condamné pour toujours à les accommoder ?
Pourquoi ne puis-je point m’échapper des dédales
Où tant de passions entendent me garder ?
2021/04/27
Je ne puis accepter cette faiblesse d’âme ;
Et pourtant, enchaîné par ses hargneux liens,
Il me faut me soumettre à sa douleur infâme
Ou périr de la paix des épicuriens.
2021/04/28
Tant de doutes, de peurs, et tant d’incertitudes
M’assaillent de tous bords en un choc assommant !
La fatigue a raison de mes inquiétudes ;
Je me laisse emporter par son ballottement.
2021/04/29
Le soleil s’est levé par un matin timide,
Éclaboussant le pré de son tout jeune éclat.
La rosée imbibant l’herbe d’un voile humide
Irise la lumière au spectre délicat.
2021/04/30
Nous reprenons chemin vers le prochain village,
Admirant les bosquets ornementés de fleurs.
Lucina semble avoir déjà tourné la page ;
Moi-même, je m’émeus devant tant de splendeurs.
2021/05/01
« Les deux genoux à terre et les mains sur la tête ! »
Jamais ces traîtres mots ne devraient précéder
Le décès d’un suspect qu’un officier arrête
En toute impunité sans qu’on puisse l’aider.
2021/05/02
Le genou sur son cou, guidé par la folie,
Telle une faux s’abat en dément jugement.
L’homme est à bout de souffle ; il conjure et supplie
Son infâme bourreau de se montrer clément.
2021/05/03
Hélas ! Le monde autour devient flou ; tout se grise ;
Et ce matin pourtant semblait si bien parti…
Son esprit s’affadit, s’étiole, se brise
Et s’envole, laissant son corps derrière lui.
2021/05/04
Le gardien sanguinaire, être de haine pure,
Savoure sa douleur et ses gémissements
Jusqu’à ce qu’il expire en un dernier murmure,
Dernier geste d’amour d’un père à ses enfants.
2021/05/05
C’est un meutre banal, pareil à tous les autres,
Comme il s’en produit tant sous la loi du plus fort.
Cette fois, cependant, de véhéments apôtres
Exigeront que soit jugé l’injuste sort.
2021/05/06
Deux ans de dur labeur ; l’échec n’est pas permis.
Suis-je prêt ? N’ai-je point oublié quelque chose ?
Non, tout va bien… Le stress me gagne, je suppose.
Il est temps ; je vaincrai ; je me le suis promis.
2021/05/07
Nous sortons de l’hôtel, dernier havre de paix
Avant de pénétrer sur le champ de bataille.
Le conflit est sans morts, sans cris et sans rocaille ;
Le silence et la peur sont ses saillants aspects.
2021/05/08
Des milliers de soldats sont ici rassemblés ;
Certains sont désormais bien loin de leurs demeures.
Le sujet est donné ; rendez-vous dans quatre heures ;
Soyez forts ; donnez tout ; jamais n’abandonnez.
2021/05/09
Absconses questions dignes d’un noir sabbat,
Maintes équations à purger sans faiblesse,
Trois dissertations pour couronner la messe ;
Pas de salvation pour qui tombe au combat !
2021/05/10
Chaque jour a son lot de maux et de dangers ;
Plus long qu’un marathon, le parcours est dantesque ;
Un artiste en peindrait une marine fresque
Où l’on verrait trimer ces futurs naufragés.
2021/05/11
Quand vient enfin le soir, las des bombardements,
Nous repartons du front pour reprendre des forces.
La fatigue mentale est semblable aux entorses ;
Mieux vaut s’en prévenir qu’en subir les tourments.
2021/05/12
Nous avançons malgré l’ombre et l’adversité
Appâtés par l’espoir de trouver la lumière.
Pas d’hésitations, ni retours en arrière ;
L’audace se nourrit de la difficulté.
2021/05/13
C’en est bientôt fini ; l’autre bout du tunnel,
Fameuse arlésienne, est à notre portée !
Le mirage enivrant d’une paix méritée
Vaut bien de faire face aux éclats de shrapnel.
2021/05/14
Étrange sentiment que celui de quitter
Le terrain dévasté de la dernière épreuve.
Tels des preux défendant l’orphelin et la veuve,
Au lustre de l’exploit nous aimons à goûter.
2021/05/15
Confiants, soulagés, déçus ou le cœur gros,
Maintes réactions animent les visages.
N’accordons point de temps aux funestes présages
Car au prochain tournant attendent les oraux.
2021/05/16
Maudit sois-tu, talent, d’ainsi m’emprisonner !
Il a suffi qu’un jour je m’essaie à la flûte
Pour que tous mes voisins viennent chez moi sonner,
Prendre mon autographe et taper la discute !
2021/05/17
En classe, il m’arrivait de passer au tableau ;
J’écrivais ma réponse avec désinvolture
Mais toujours notre maître, en le rinçant à l’eau,
Prenait soin d’éviter ma plaisante écriture !
2021/05/18
Jadis, j’aimais cycler sur les axes routiers,
M’abandonnant aux vents, rêvant qu’ils me ravissent.
J’ai pourtant dû migrer vers les ruraux sentiers
Car, depuis quelque temps, les radars m’éblouissent !
2021/05/19
Tout art, tout métier – tout ! – m’est acquis sans effort ;
Je n’ai jamais connu la flamme de la transe !
Qu’ai-je donc fait au ciel pour mériter ce sort,
Cette vie insipide au teint d’indifférence ?
2021/05/20
Si l’erreur est humaine, où puis-je la trouver ?
Je l’ai longtemps cherchée, ineffable chimère
Qu’il semblerait qu’on m’eût interdit d’observer
Depuis que j’émergeai du ventre de ma mère.
2021/05/21
Il me faut me résoudre à l’âpre vérité :
Mon destin est tracé sur les feux de la gloire.
Cette perfection dont seul je fus doté
Jettera pour toujours sur moi son ombre noire.
2021/05/22
Hérauts gris et meurtris m’annonçant, dès l’éveil,
L’avènement d’un jour gémissant de tristesse,
Balayé froidement par la rêche caresse
D’un vent sombre privé de rayons de soleil.
2021/05/23
Masques capricieux, oracles inconstants,
Ambassadeurs du temps aux multiples visages
Tenant à leur merci tant d’impuissants otages
Soumis aux aléas de leurs pleurs hésitants.
2021/05/24
Tes cheveux argentés, tes iris de rubis,
Tes doigts adamantins, ta chair immaculée,
Ton timbre de cristal, tes sourires subits…
Penser à toi suffit à me rendre comblée.
2021/05/25
Vous qui couvrez la terre et noircissez la nuit
En sinistres gardiens de lieux où rien ne luit,
Domaines condamnés à la brume éternelle,
Vous qui semez le gel, le déluge, la peur,
Et déchaînez les feux de notre créateur,
Ayez pitié du sort de la race mortelle.
2021/05/26
O servant of the Lord, I beg of you,
Take pity of our souls lost here on Earth;
Allow our bodies torn to rise anew,
With pure, innocent minds for our rebirth.
2021/05/27
Dans un humble logis prie une femme enceinte,
Levant les yeux au ciel, s’adressant au Seigneur ;
Elle entend une voix qui l’emplit de bonheur :
Un ange lui prédit qu’elle attend une sainte.
2021/05/28
Le jour tant attendu se produit un miracle ;
Quand la charmante enfant pousse son premier cri,
Le village asséché, désespéré, meurtri,
Retrouve l’espérance en un pluvieux spectacle.
2021/05/29
La fillette est chérie et grandit sans problèmes,
Sauf certains mécréants doutant de ses pouvoirs.
Lasse d’ouïr ces gueux la railler tous les soirs
Elle entend mettre un terme à leurs navrants blasphèmes.
2021/05/30
Au fébrile chevet d’une vieille fermière,
Elle s’ouvre le doigt d’un vif trait de couteau,
Laissant le pur filet de son écarlate eau
Abreuver la souffrante à la luisante sclère.
2021/05/31
Le visage ridé reprend un teint de flamme ;
Le souffle luctueux s’adoucit lentement ;
Tel un acteur ôtant quelque déguisement,
La paysanne semble une nouvelle femme.
2021/06/01
Sceptiques et païens, témoins du phénomène,
Se mettent à genoux, prêts à se repentir.
Contre l’avis de tous, au lieu de les punir,
La sainte Morgana les convie au Domaine.
2021/06/02
Les villageois émus devant tant d’indulgence
Accordent leur pardon avec sincérité.
Son Père tout-puissant n’eût point déshérité
Un agneau confondu par sa propre ignorance.
2021/06/03
Guidée entièrement par son devoir suprême
D’assistance et d’amour pour les plus miséreux,
Elle couvre ses bras d’abîmes douloureux,
Soignant les affligés par un sanguin baptême.
2021/06/04
La mère au fil du temps s’éloigne de la fille,
Ne reconnaissant plus en elle son enfant.
Par un sombre matin au brouillard étouffant
Frappe à la porte un homme à la voix qui nasille.
2021/06/05
« Mère, qu’ai-je donc fait ? » Tout s’est passé trop vite.
Depuis le chariot aux lourds barreaux carmins,
La sainte entend sa mère, un sac d’or dans les mains,
En boucle murmurer : « Créature maudite. »
2021/06/06
Fidèle Ran, entends ma dernière requête.
Je ne saurais souffrir qu’ils acquièrent ma tête ;
Les traîtres échoueront à me déshonorer.
Barre au temple l’accès ; nul ne doit y rentrer.
2021/06/07
Le feu de bois crépite, avide d’une histoire
Que les joyeux campeurs réclament bruyamment
Assis en cercle autour du conteur de la foire
Qui brandit souriant son fidèle instrument.
2021/06/08
Quand, au milieu des cris, résonne un bel arpège,
Un silence d’église envahit le sous-bois ;
Tous regardent le barde à la chemise beige
Et se laissent bercer au doux son de sa voix.
2021/06/09
Les charmes envoûtants de lointaines contrées
Aux paysages d’or, de perle et de saphir,
Se dévoilent le mieux lors des chaudes soirées
Où l’on rêve à plusieurs d’un voyage à venir.
2021/06/10
S’envolant de son nid, une jeune princesse
Abandonne la cage où la cour l’enfermait ;
Du mont qui lui sourit avec délicatesse
Elle s’était juré de gravir le sommet.
2021/06/11
Dans le pays voisin dévasté par la guerre
Vagabonde un soldat fraîchement orphelin ;
En l’espace d’un jour, sa section entière
Fut appelée au ciel par un glas cristallin.
2021/06/12
Trois cent soixante-cinq jours se sont écoulés
Depuis ce fameux soir où j’entrepris ma quête ;
Tant de prédécesseurs illustres, adulés,
Me montrent de leur legs le chemin du poète.
2021/06/13
Les tresses du destin voulurent de leurs vies
Mêler les minces fils en un nœud éternel.
Guidés par l’invisible ombre de leurs envies,
Les deux suivront du sort l’irrésistible appel.
2021/06/14
Dansant et tournoyant au rythme de la lyre,
Le ménestrel conquiert ses nombreux auditeurs
Dont les corps endormis se sont laissé séduire
Par les beaux univers de leurs esprits rêveurs.
2021/06/15
Le récit se conclut par une fin heureuse
Recouvrant les songeurs du voile de la nuit.
Seule reste éveillée, aimante, gracieuse,
La Lune qui, toujours, dans le silence luit.
2021/06/16
Costume avec gilet, nœud papillon, bretelles,
Bandana, robe à pois et chaussures châtain
Ornent les jeunes gens et gentes demoiselles
Venus dans ce salon swinguer jusqu’au matin !
2021/06/17
Béni soit l’architecte ayant sculpté ce monde ;
Un carré de couleurs suffit pour émouvoir
Même un homme abattu par sa rancœur profonde
Et lui rendre le goût merveilleux de l’espoir.
2021/06/18
Roses, coquelicots, boutons d’or, violettes,
Marguerites, cosmos, pivoines et muguets
Peignent un paysage aux nuances coquettes
Infus des doux parfums de maints souvenirs gais.
2021/06/19
La route jusqu’au bourg à nos yeux se dévoile,
Généreuse, et je pense à tous ces voyageurs
Enchantés d’un décor brillant telle une étoile
Dont ils ont avant moi recueilli les honneurs.
2021/06/21
Bientôt nous entendons les cris de la grand-place,
Oiseaux désincarnés volant dans les aigus
Et frôlant quelquefois la profonde crevasse
De graves grognements aux motifs ambigus.
En serpentant à deux les nombreux étalages,
Au loin, je reconnais un visage en éclair.
Emporté par l’élan de réflexes sauvages,
Je bondis tel un chien n’écoutant que son flair.
2021/06/22
Illusion ? Mirage ? Était-ce donc un rêve ?
Dans l’océan humain, j’échoue à retrouver
Ce quidam éthéré dont l’apparence brève
S’est plue à, dans mon cœur, un doute soulever.
2021/06/24
Lucina me rattrape, un brin déboussolée,
Me demandant pourquoi je semble si confus.
Je l’entraîne avec moi dans une sombre allée
Où gisent entassés des dizaines de fûts.
L’arôme de l’alcool sans faute me ranime ;
Je suis sûr à présent que dans cette cité
M’attend un allié caché dans un abîme
Qui possède les clés de mon identité.
2021/06/25
Comme lisant mon cœur, une voix séduisante
Soudain se manifeste et m’invite à venir
Dans son antre secret, sous la ville dormante,
La rencontrer ; elle a quelque chose à m’offrir.
2021/06/27
Je me laisse guider par cette âme inconnue
À travers le dédale austère et souterrain
Qui sommeille sans bruit, dans la pénombre nue,
D’un monde parallèle auguste souverain.
Notre chemin nous mène à la discrète porte
D’une taverne où siège, accoudée au comptoir,
Sirotant une bière ou quelque liqueur forte,
La silhouette en qui je fonde mon espoir.
2021/06/28
« J’ai longtemps désiré faire ta connaissance,
Toi dont le lourd passé demeure encore obscur.
Je ne puis l’éclairer mais, par caprice ou par chance,
La toile du destin m’a montré ton futur. »
2021/06/29
Elle se lève alors, nous invite à la suivre
Jusqu’au fond d’un couloir qui m’avait échappé.
Sur sa main je remarque un emblème de vouivre
Dont l’élégant trait fut par le temps estompé.
2021/06/30
Notre hôte daigne enfin dévoiler son visage ;
Sous sa cape de lin, de soyeux cheveux noirs
Éclosent sur des yeux ornés du tatouage
Qu’arborent les sorciers aux plus puissants pouvoirs.
2021/07/01
« L’entité qui détient les clés de ta mémoire
S’entoure d’un brouillard épais et ténébreux ;
Dans ta condition, lointaine est la victoire ;
Le chemin sera long et les périls nombreux. »
2021/07/02
J’entends dire souvent qu’un brillant avenir
M’attend sur les sentiers royaux de la science.
Même mes professeurs, dès ma plus tendre enfance,
Me plaçaient au sommet, prêt à tout réussir.
2021/07/03
Docile, je suivis ce chemin tout tracé,
Sans trop y réfléchir, sans trop prendre de risques.
J’apercevais au loin d’imposants obélisques :
Les exploits des anciens dont on m’avait bercé.
2021/07/04
L’ambition nourrit les rêves les plus grands ;
J’entrepris cette quête aux terribles épreuves,
Me consacrant entier aux activités veuves
Du péché qui corrompt l’âme des conquérants.
2021/07/05
« Au diable les loisirs suants d’oisiveté,
Fi des distractions qui sans cesse m’enchaînent !
J’invoque les pouvoirs qui de droit m’appartiennent :
Venez à moi, courage, ardeur et volonté ! »
2021/07/06
Autrefois serviteur de mes plus bas instincts,
Je m’élevai, porté par ces fragiles ailes,
Quittant mon doux cocon pour des strates nouvelles
Où s’entrouvrent les fleurs de fabuleux destins.
2021/07/07
D’exténuantes nuits m’attendaient au tournant,
Dévorant mon sommeil en hyènes prédatrices.
J’endurais sans fléchir leurs barbares supplices ;
Toujours je combattais leur spectre permanent.
2021/07/08
Dans ce puits de labeur jusqu’aux yeux embourbé,
Je gardais mon regard vers la chaude lumière
Qui filtrait en rosée envoûtante et légère
Du ciel où j’augurais un archange nimbé.
Par la musique et par le son, elle l’émeut ;
Par-là, Muse Iké ! Parle ! Son aile les meut.
2021/07/09
Un ultime défi je me vis relever,
Insurmontable monstre au dantesque visage.
Exalté par le feu de ma fiévreuse rage,
Je brûlais de me voir ce périple achever.
2021/07/10
J’admire l’idéal que me montrent mes songes,
Tableaux vierges et purs d’un blanc immaculé
Où je puis oublier ce monde gangréné
Par la duplicité, le faux et les mensonges.
2021/07/11
J’avançai droit devant, malgré toutes mes peurs,
Mes hésitations, mes regrets et mes doutes ;
Je noyai ces fardeaux dans ces féroces joutes
Dont seul échoit au ciel de nommer les vainqueurs.
2021/07/12
Baignant dans la lueur de l’ambre vespéral,
Je contemplai, du haut de ma rouge colline,
La beauté de ce monde à la splendeur divine
Avant de m’attaquer à l’obstacle final.
2021/07/13
Je me jetai d’un bloc dans le cœur du typhon,
Résolu d’y périr dans un effort suprême
Ou d’en sortir béni d’un glorieux baptême,
Tel un noble héros chevauchant un griffon.
2021/07/14
Quand l’éternelle nuit d’un aller sans retour
Voulut m’emprisonner dans son profond abysse,
Descendit en torrent la vigueur salvatrice
De l’aurore épanchant son lumineux amour.
2021/07/15
Un triomphe éclatant vint me récompenser ;
Je pensais y trouver la fin de cette fable
Mais l’appétit d’un homme est bien insatiable ;
Le chapitre suivant ne fait que commencer.
2021/07/16
Que dissimule donc l’indifférent sourire
Collé sur ton visage à toute heure du jour ?
J’aimerais l’arracher, le brûler de ton ire,
L’incinérer du feu d’un malévole four.
2021/07/17
Tu ne peux me tromper ; je connais ta nature,
Hypocrite poupée aux airs d’ange innocent.
Il me tarde de voir sous les traits de couture
L’abomination qu’est ton corps putrescent.
2021/07/18
De quels vils animaux serais-tu la chimère ?
Même un rat entendrait cette offre refuser.
Amalgame de vers, d’ordure et de poussière,
Comment t’animes-tu sans te décomposer ?
2021/07/19
Chacun de tes attraits se veut un traître leurre
Attirant quelque insecte en ta gorge sans fond ;
La proie ignore tout du danger qui l’effleure
Et, froide, reparaît suspendue au plafond.
2021/07/20
Tes mots coulant toujours en répugnante averse
Assombrissent mon ciel d’un opaque brouillard.
Le plus beau des discours, par ta langue perverse,
Narguerait le poison du plus venimeux dard.
2021/07/21
Quand le dernier rayon disparaît en silence,
L’horrible cauchemar atteint son zénith noir.
Émanent de ta chair terreur, haine et souffrance,
Émissaires maudits d’un lugubre abattoir.
2021/07/22
Inconscients du mal qui vient faucher leur âme,
Les malheureux rêveurs se laissent attirer
Comme des moucherons par ce cortège infâme ;
Sans même s’en douter, ils viennent d’expirer.
2021/07/23
La nuit se gorge ainsi d’un amas de cadavres
En estomac repeint d’écarlate aveuglant.
Les rares rescapés, abrités dans leurs havres,
Frissonnent sous l’impur éclat de l’œil sanglant.
2021/07/24
Mais ta perverse soif nous est bien opportune !
Oui, démon, entends-tu le requiem des morts ?
Par ce brasier maudit imprégné de rancune,
Retourne d’où tu viens et jamais n’en ressors.
2021/07/25
Je suis de la fureur le terrible avatar ;
Elle guide mes poings, mes sabots et mes cornes ;
Ma volonté de fer ne connaît point de bornes ;
Noxiens, redoutez le courroux d’Alistar.
2021/07/26
Soyez toujours prudents ; évitez ce buisson
Car un clignement d’yeux peut vous coûter la vie :
Un simple et traître flash est assez pour qu’Annie
Vous fasse incinérer par son petit ourson.
2021/07/27
Cette fière guerrière au zèle glacial,
Archère sans pareil, répond au doux nom d’Ashe.
Ses tirs paralysants vous suivent sans relâche
Si vous n’esquivez pas sa flèche de cristal.