Wajdi Mouawad - Racine carrée du verbe être

Titre : Racine carrée du verbe être
Texte et mise en scène : Wajdi Mouawad
Théâtre : La Colline
Note : 10/10

J’avais vu ce spectacle de six heures une première fois le 21 décembre 2022, soit il y a bientôt deux ans. J’avais trouvé les deux premières parties très bien, et la troisième m’avait un peu déçu car je m’étais attendu à « plus », mais je pense que j’aurais mis un solide 7, voire 8 sur 10.

À présent, le 10 sur 10 est une évidence. Je trouve toujours les deux premières parties meilleures que la troisième, mais j’ai été plus sensible à l’ensemble du spectacle. Du point de vue de la technique, le jeu est irréprochable, pour ne pas dire virtuose. À partir du deuxième acte, la mise en scène se livre à l’exercice périlleux de scènes simultanées que les comédiens exécutent avec brio. En particulier, Norah Krief nous fait une masterclass dans le troisième acte où elle joue trois scènes en même temps, et l’effet est bluffant. La scénographie est tantôt grandiose, comme lorsque le plateau est inondé des décombres de l’explosion de Beyrouth, tantôt poétiques, comme lors de ces fins d’actes où Talyani chauffeur joue de la trompette. C’est d’une beauté à couper le souffle.

En outre, quelques scènes des deux premiers actes m’ont beaucoup plus touché. Je m’explique cela par le fait que j’ai vécu bien des choses depuis, heureuses et tristes. Ainsi, j’ai pu rattacher les émotions des personnages à ma propre expérience : Talyani peintre qui lance à son père que le plus beau cadeau que ce dernier lui ait fait, c’est d’apprendre à son fils à ne plus l’aimer ; Talyani couturier qui refuse de partir du Liban car ses « abrutis » d’enfants sont nés de sa décision d’y rester ; Talyani prisonnier qui ne peut pardonner la trahison de son frère ; le père de Talyani peintre qui, dans un sursaut de lucidité, demande pardon à son autre fils Nabil d’avoir été si dur ; Talyani peintre qui dit à son frère Nabil que ce dernier était son modèle et qu’il a trahi son admiration ; Johnny qui dit à sa mère de choisir entre tuer son frère et tuer son fils…

Ces scènes, entre autres, m’ont profondément ému.

Enfin, je vous partage ci-dessous quelques répliques mémorables :

« La couleur verte. »

« Tous les mots sont possibles. »

« Je veux être responsable de ce que je ressens. »

« Je ne t’aime pas parce que tu es mon frère, je t’aime parce que je t’aime. »

Je suis heureux d’être retourné voir ce spectacle et, surtout, d’avoir pu partager cette expérience avec mon amie. On apprécie bien mieux la chaleur de ce spectacle en bonne compagnie, et ce fut le cas ce soir pour moi !