Nouveau Théâtre Populaire - Notre Comédie humaine
Titre : Notre Comédie humaine
Sous-titres : Les Belles Illusions de la jeunesse | Illusions perdues | Splendeurs et misères
Texte : d’après Honoré de Balzac
Mise en scène : Émilien Diard-Detœuf | Léo Cohen-Paperman | Lazare Herson-Macarel
Théâtre : Théâtre de la Tempête
Notes : 7/10 | 8/10 | 10/10
Le Nouveau Théâtre Populaire (NTP) s’illustre dans cette flamboyante épopée où nous suivons l’ascension à Paris de Lucien Chardon de Rubempré, suivie de sa chute. Le spectacle est découpé en trois épisodes pour un total de près de sept heures en comptant les entractes, durant lesquels sont joués des intermèdes mis en scène par Pauline Bolcatto. Autrement dit, les comédiens ont joué sans s’arrêter de 15h à 22h, et cela mérite d’être dit.
D’abord, Les Belles Illusions de la jeunesse est une opérette qui raconte les débuts de Lucien en tant que poète à Angoulême et son rapprochement avec Madame de Bargeton. La mise en scène est haute en couleurs, dans tous les sens, avec moult chansons et costumes, ainsi qu’un jeu qui se rapproche presque du clown par moments. Une scénette est montée sur scène et permet une mise en abyme amusante en mettant les personnages sur des plans différents. La comparaison avec le début d’Illusions perdues de Pauline Bayle est sans appel, et le NTP l’emporte haut la main : plus beau, plus entraînant, plus riche, et surtout beaucoup plus clair.
Ensuite, Illusions perdues nous montre comment Lucien, arrivé à Paris et en quête de gloire, se lance dans le journalisme. Le plateau ressemble à une pyramide avec, trônant à son sommet, la redoutable marquise d’Espard. Lucien effectue de nombreux va-et-vient entre les étages de la pyramide, alternant entre ses amis du Cénacle, ses collègues du Journal et sa relation avec la jeune actrice Coralie. La mise en scène fait très « Loup de Wall Street » et se veut particulièrement dynamique et moderne. Le point d’orgue de cet épisode est pour moi la référence au NTP lui-même, lorsque Andoche Finot entreprend de renommer son journal en « Nouveau Courrier Populaire » : tout le monde l’a vu venir à des kilomètres mais c’était tout de même jouissif. La scène où Daniel d’Arthez et Horace Bianchon font un discours émouvant où ils conspuent l’immoralité des amis de Lucien m’a également beaucoup ému : le texte en particulier était très beau. L’épisode se conclut lorsque Lucien perd tout et s’enfuit de Paris.
Enfin, le troisième épisode, Splendeurs et misères, adopte une direction artistique sombre qui m’a terriblement séduit, d’autant plus qu’il s’ouvre sur une référence à la Porte de l’Enfer dans La Divine Comédie de Dante : « Vous qui entrez ici, perdez toute espérance. » Le plateau est nu, monté sur des tréteaux noirs. Le jeu est très physique, parsemé de chorégraphies rythmées et saccadées qui m’ont beaucoup plu, le tout dans une atmosphère oppressante où se dressent des rideaux de fumée et où l’on entend des percussions macabres. Philippe Canales est phénoménal en Vautrin (qui se fait appeler Carlos Herrera). Esther, ange drapé d’un manteau de fourrure blanc puis torpille en robe rouge, jouée par Kenza Laala, porte à son paroxysme le caractère sensuel, érotique, voire sexuel de cette mise en scène. À partir des deux tiers, j’étais obnubilé par le constat que j’adorais proprement tout ce que je voyais, sentais, entendais ; que j’étais comme hypnotisé par ce chef d’œuvre esthétique ; que, ce qui se jouait devant mes yeux, c’était de l’Art avec un grand « A ». Lucien finit par tomber plus bas que terre, ce qui achève le spectacle et m’a fait me lever pour applaudir avec enthousiasme cette incroyable troupe.
Vive le théâtre !