Lisa Guez - On ne sera jamais Alceste

Titre : On ne sera jamais Alceste
Texte : d’après Molière et Louis Jouvet
Mise en scène : Lisa Guez
Théâtre : Comédie-Française, Studio-Théâtre
Note : 0/10

S’il y a bien un personnage de Molière auquel je m’identifie, c’est Alceste, et je ne vais pas me gêner ici.

Ce spectacle est une honte, tout simplement.

Pendant une heure, nous y voyons trois comédiens de la troupe de Molière singer des élèves de théâtre qui répètent la fameuse première scène du Misanthrope ; ce faisant, les trois compères se complaisent dans la médiocrité, pour ne pas dire la nullité. Cette idée est d’un ennui mortifère pour quiconque a suivi dans sa vie un vrai cours de théâtre, et repose entièrement sur le caractère quelque peu absurde, comique, voire attachant, que cela peut représenter à des non-initiés. À la limite, je le conçois et, bien que j’aie somnolé au moins trente bonnes minutes, il est souhaitable que le théâtre soit ouvert à tous.

Seulement, il eût été la moindre des choses que Messieurs les Comédiens-Français s’en donnassent les moyens, car imiter pendant une heure de mauvais apprentis comédiens pour finalement se révéler, dans les dernières minutes, incapables de jouer la scène sans truander les vers de Molière, c’est au mieux risible, et au pire inexcusable. Que le pensionnaire n’y parvînt pas, c’est déjà trop, mais que les deux sociétaires s’autorisassent à bouder les liaisons, faire fi des « e » muets, et charcuter les diérèses ? Je me suis retourné plus d’une fois sur mon siège comme Molière devait le faire dans sa tombe.

À la fin, je suis parti sans applaudir ; j’ai trop de respect pour le théâtre pour m’abaisser à cela. Surtout, j’ai de la peine pour les autres spectateurs : le joyau qui leur a été montré n’est qu’une happelourde, et ils n’en sauront jamais rien.

Au sujet des trois comédiens, je conclurai par ces mots d’Alceste, que je trouve on ne peut plus justes :

Morbleu ! c’est une chose indigne, lâche, infâme,
De s’abaisser ainsi jusqu’à trahir son âme ;
Et si, par un malheur, j’en avais fait autant,
Je m’irais, de regret, pendre tout à l’instant.

Plaise à Dieu que je ne me permette jamais une telle perfidie.